Le Ranquet en Vadrouille...Carnet de route.

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Equateur 5, Amazonie, la "selva"...

Equateur 5,

 

 

 

 

Amazonie, la « selva »…

 

 

Comme chaque matin, la brume du rio dépose un voile cotonneux sur les cabanes.

 

 

Il est six heures et demi, les gamins sont presque prêts pour partir à l’école.

L’une des filles se saisit d’un sac de maïs et balance plusieurs poignées de grains dans la cour, les poules et les canards rappliquent.

 

Maria nous a préparé un solide petit déjeuner :

 

Des fruits (papayes, bananes, ananas) et  d’excellentes galettes de maïs épaisses accompagnées d’une boisson chaude où infusent des herbes aromatiques.

 

 

Wilson et Loyda rassemblent le nécessaire pour partir deux jours dans la « selva », c'est-à-dire peu de chose, mais l’indispensable :

 

Deux machettes, une hache sans manche, du riz, des pommes de terre, de l’huile et du sel, un flacon de sauce pimentée, deux boites de thon, des assiettes et des cuillers, deux gamelles, du fil de pêche et des hameçons.

 

Et des moustiquaires !

 

 

Les enfants partent franchir le pont en nous disant au revoir, ils marcheront une quinzaine de minutes pour gagner la piste où s’arrête le bus.

 

Carlos les rejoindra, c’est le jour où il  doit se rendre dans la ville de Puyo, faire ses « affaires » et consulter ses mails dans un cyber café.

 

 

Chaussés des incontournables bottes, nous partons en forêt pour une découverte de la jungle amazonienne.

 

Thomas, un jeune Normand arrivé dans la communauté la veille de notre venue nous accompagne, ainsi que Bryan, 3 ans, le dernier fils de Wilson et Loyda.

 

 

Après à peine une demie heure de marche, c’est clair que les trois touristes que nous sommes, serions incapables de revenir seuls aux cabanes !

Une forêt trop dense, des passages taillés à la machette par Wilson, des multiples franchissements de petits ruisseaux achèvent de nous embrouiller dans une « selva » aux arbres immenses et aux frondaisons gigantesques…

 

 

Nous progressons tranquillement dans les pas du guide, le tricot est vite trempé, mélange de sueur et de gouttes de rosé qui tombent des feuillages dans une atmosphère chaude et humide.

 

 

 

Wilson et Loyda ont une parfaite connaissance de la luxuriante diversité de la végétation et des pièges du milieu.

 

 

 La démonstration est permanente :

Des herbes et feuilles à usage médicinale aux ressources insoupçonnées qu’offre la « selva », nous avons droit à un véritable cours de botanique doublé de travaux pratiques !

 

 

Sans ignorer les fleurs et l’abondance de plantes qui déclinent une palette de vert tout en nuance !

 

 

 

 

 

Confection de ficelle tressée ultra résistante à partir de filaments de ramures de plantes grasses, teinture à base d’écorce, fabrication de cannes à pêche souple avec la nervure centrale des feuilles de palmier, décoction de plantes pour soigner de multiples maux, percement des bambous pour s’abreuver d’ une excellente eau rafraîchissante.

 

 

 

Et puis il y a la machette, cet outil magique qui taille et tranche sévèrement, creuse des marches quand la pente est devenue trop raide et trop glissante, fouille la terre humide pour récupérer des vers de terre !

 

Nous nous approchons d’un méandre d’un rio, la berge présente une petite surface plane, c’est ici que nous allons construire une cabane pour la nuit.

 

 

Tout va très vite, deux à trois coups de machette suffisent pour tailler un manche à la hache.

 

Le fer tranchant se plante dans des troncs de palmier haut d’une quinzaine de mètres.

 

 

Sous les coups de hache du bûcheron quatre palmiers s’effondrent en travers du rio et Wilson s’affaire à les débiter aux dimensions qu’il sait utiles.

 

 Les ramures des palmiers sont coupées proprement, les lianes qui serviront à l’assemblage sont sélectionnées pour leur robustesse, le montage de la cabane, sans plan Ikea, s’effectue en une petite demie heure.

 

 

Pendant ce temps, Loyda a préparé le foyer :

 

Trouver du bois « sec » dans une forêt humide, ils savent faire, une recherche méthodique qui laisse du temps à Bryan  pour se baigner dans la rivière sous une discrète surveillance de sa maman.

 

Dans la communauté Shuard, les enfants jouissent d’une étonnante liberté et d’une grande confiance de la part des parents :

Bryan patauge dans le trou d’eau avec un naturel évident. L’enfant est habitué à la forêt et ne perd pas une miette du savoir-faire de son père et de sa mère !

 

Les têtes de palmiers seront écorcées aisément pour en extraire le cœur.

 

Cœur de palmier frais et thon se marieront avec le riz.

 

 

En amuse-bouche, de la petite friture de piranhas grillés!

Nous avions oublié la bouteille de blanc, dommage !

 

 

 

 

 

 

La fin de journée est consacrée à la pêche ou petits travaux de confort.

 

 

Thomas avait une botte qui présentait des défauts d’étanchéité, Wilson a arrangé le coup en vulcanisant à l’aide de la lame d’un couteau chauffée dans la braise du foyer:

Tout semble facile ici !

 

 

Nous n’échapperons pas à un orage nocturne, de grosses gouttes sur la cabane !

Puis le ciel noir d’Amazonie s’est à nouveau étoilé, ambiance humide quand même, mais pas suffisant pour contrarier le profond sommeil de Bryan qui dormait contre sa maman.

 

 

Au petit matin, la brume avait à nouveau noyé la canopée, le soleil et la moiteur chaude de la « selva » n’allait pas tarder à venir.

 

 

Wilson avait fixé un point de rencontre sur un rio avec son père :

Carlos est venu nous chercher en pirogue.

 

 

 

 

 Bryan, n’était pas peu fier d’afficher au grand père, la  brochette de friture que sa mère lui avait confiée. 

 

De retour dans la communauté, des bols de « chicha » (*) nous attendaient.

 

Plus tard nous avons eu le droit à l’entrainement au tir à la sarbacane !

 

 

Notre passage chez Carlos, dans sa communauté, restera un temps fort de notre voyage.

 

 

 

Les Shuars, bousculés entre tradition et modernité, combattent pour une reconnaissance de leur culture mais continuent à subir les discriminations.

 

 

L’’envers du décor :

 

 

 

Les Shuars (ex-Jivaros) de l’Amazonie équatorienne défendent et enseignent leur langue, principal vecteur de leur identité culturelle, ainsi préservent-ils aussi leur autonomie.

 

 

 

 Ils ont majoritairement fait le choix d’entrer dans « la modernité » sans renoncer à leur langue et leur culture ;

 

Chez Carlos les signes extérieurs de la ville se résument à quelques gamelles en alu, des bouteilles de gaz et un réchaud, des vêtements, des chaussures, du savon.

 

 

 

Maria déplore les chaussures faites en Chine « que no valen nada ! » dit-elle.

 

 

 

 Les mythiques « réducteurs de têtes » ne se sont jamais laissé conquérir, mais les injustices et les mauvais traitements se sont multipliés dès la fin du XIXe siècle (confiscation de leur terre au profit des colons)

 

 

 

Il faudra attendre 1964 pour voir la naissance d’une Fédération des communautés Shuars, toute première organisation autonome de ce type en Amérique latine, précurseur du mouvement Indigène Equatorien qui fera son apparition dans le paysage politique national dans les années 90.

 

 

 

 

Pour mieux pouvoir défendre leurs droits, l’enseignement de l’Espagnol est mené de façon conjointe avec la langue Shuar et le bilinguisme est officialisé : Le sociologue Louis-Jean Calvet  déclare à ce propos :

 

 

 

« La politique linguistique des Shuars est totalement atypique car elle s’est construite indépendamment de l’Etat.  

 

Cette politique élaborée et instaurée par une minorité, revêt un caractère exemplaire car elle démontre que les impérialismes linguistiques qui s’imposent lentement à travers le monde ne sont pas une fatalité.

 

Elle prouve qu’il est encore possible de lutter pour la différence dans un univers qui tend à s’uniformiser ».

 

 

 

 

(*) En guise de bienvenue, nous aurons droit à la « Chicha » généreusement distribuée par les filles de la communauté.

 

 

C’est une boisson hautement énergétique que seules les femmes élaborent :

 

Les feuilles de manioc sont mastiquées par les femmes (seulement les femmes) puis crachées.

 

 

La pâte que l’on obtient est mise à macérer dans de l’eau.

 

Une « Chicha » fraîche a un gout acidulé proche du yaourt, c’est une boisson très désaltérante.

 

 

 

Au fil des jours, la fermentation s’opère grâce aux bactéries contenues dans la salive, la boisson devient plus alcoolisée.

 

Plus le breuvage date et plus il devient fort.

 

 

Son goût dépend de la femme qui a mastiqué les feuilles car les bactéries  contenues dans la salive sont différentes d’un individu à l’autre.

 

 

 

Nous ignorions tout de sa fabrication!

Nous en avons bu quelques larges coupelles avec bonheur !

 

 

 

 

 



12/02/2016
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