Ethiopie 20, De Gondar au lac Tana.
Ethiopie 20, De Gondar au lac Tana.
« …Des femmes disparaissaient dans les collines vers leurs villages, pliées en deux, le dos cassé par les cruches d’eau qu’elles remontaient des lacs.
Dans le goulot flotte une boîte de conserve, celle qui sert à puiser, souvent dans un reste de mare ou dans une ornière de la route.
Quant au morceau de tissu qui a servi de filtre, il rembourre ensuite le creux des reins. Les épaules, elles, n’ont rien pour résister à la déchirure de la corde.
Toujours ce mélange de paradis et de cauchemar. »
« Retour en Ethiopie » Marc de Gouvenain (Babel éditions)
« Le mélange de paradis et de cauchemar »…J’aime bien cette formule, brute et simple.
L’Éthiopie d’aujourd’hui, c’est encore ça, fascinante, épuisante, difficile à comprendre au point de vouloir parfois partir au plus vite, de quitter un voyage éreintant.
Et puis, il suffit d’un sourire, d’une gentillesse, d’un petit rien.
Toutes ces attentions désintéressées qui effacent les contrariétés du moment, font que ce pays hors norme vous retient encore.
Pourtant, on se dit qu’il faut quitter, qu’il est temps de boucler les sacs, qu’on en a fait le tour, mais d’un pays comme celui-là, il serait imprudent de penser le saisir.
Se dire « nous sommes allés en Ethiopie », sur ces routes millénaires, suffira à nourrir quelques curiosités sans jamais pouvoir prétendre connaitre une Abyssinie aussi multiple.
Nous l’aurons tout au plus fréquentée dans sa diversité et sa complexité.
Alors, on reste encore un peu.
Nous laissons derrière nous le violet améthyste des pics du Simien ; Peu à peu s’effacent à l’horizon les majestueuses montagnes d’Abyssinie, celles qui flirtent avec les étoiles, celles aussi dit-on, issues de la volonté des Dieux et des titans.
Nous faisons route vers Gondar, cité royale en pays Amhara qui un temps se fit surnommer « la Rome d’Afrique ».
Une ville, une fois de plus, suspendue dans les nuages:
à 2200 mètres d’altitude, Gondar dresse des châteaux médiévaux et des églises (encore !) à l’architecture aboutie, subtile mélange d’influence portugaise et de palais arabisants.
Elle fut capitale de l’Éthiopie durant plus de deux siècles (de 1632 à 1855) ;
C’est la grande époque de l’Empire Abyssin qui vit se succéder des souverains soucieux de défendre leurs territoires en bâtissant des places fortes qui, fièrement, tiennent toujours debout.
Ce fut aussi le haut lieu de la culture et du savoir.
Si la cité fortifiée et ses remparts qui ceinturent différents châteaux valent bien le détour, il ne faut pas faire l’impasse sur l’église « Dabra Birhan Sélassié », une église, encore une, mais qui offre une richesse picturale sans pareil.
L’opulence de son décor en fait l’un des sanctuaires le plus célèbre du pays :
Un plafond de bois peint de quatre-vingt minois de chérubins dont les yeux, prunelles écarquillées, semblent poursuivre le visiteur dans chaque déplacement.
Plus discret, moins visible, sur une paroi (maintenue ?) dans l’ombre, on reconnaîtra le Prophète Mahomet .
(En principe jamais représenté, n’est-ce pas Charlie Hebdo ?)
Le Prophète emmené captif à dos de chameau et tiré par le diable !
Il porte une barbe noire… ( Pas le chameau, mais Mahomet ! )
Lampe de poche nécessaire.
Pour faire suite à ces nourritures célestes, développant l’appétit, Gondar a su se doter de quelques restos sympathiques :
La ville qui se trouve sur la route « historique » à vocation touristique, reste étonnamment abordable tant du point de vue de l’hébergement que de la bonne table !
Deux restos où on peut s’endormir après un bon repas : « the four sisters » et « Masterchef restaurant ».
Nous poursuivons la boucle du nord en pays Amhara, direction Bahar Dar sur le lac Tana :
C’est ici que le Nil bleu prend sa source.
C’est aussi ce fleuve immense qui, en partie, motive notre voyage :
Suivre ( de loin ) sa branche orientale qui prend naissance sur les hauts plateaux éthiopiens pour aller ensuite, au Soudan, s’unir au Nil Blanc et enfin ne faire qu’un :
Le Nil, le fleuve Roi.
Bahar Dar s’étend en croissant de lune sur les rives du lac Tana, la plus vaste étendue d’eau du pays.
La ville donne l’impression d’une cité balnéaire, sans plage, avec des bateaux promenant des touristes venus découvrir des îles plantées d’églises et de monastères.
Les églises et les lieux saints, on pense avoir fait le tour de la question, alors on s’abstient !
…D’autant plus que plusieurs « sanctuaires » sont interdits aux femmes.
On notera la nuance commerciale des tours opérateurs qui délicatement indiquent :
« Ouverts aux hommes seulement ».
Donc peu de chose à faire, (à voir) à Bahar Dar, si ce n’est les incontournables et célèbres chutes du Nil.
Bien renseignés par un guide rencontré sur les bords du lac, il saura confirmer notre intuition.
À cette époque de l’année, les chutes du Nil ressemblent à un gros filet d’eau, une belle cascade en somme.
Ci-dessous, ce que nous n’avons pas vu, deux photos du Nil à Bahar Dar, durant la période des pluies :
Les esprits chagrins prétendent également que la construction d’une usine hydroélectrique en amont aurait considérablement réduit le débit.
Une promenade ombragée, pas très bien entretenue, longe le lac :
Ballade presqu’agréable qui permet de comprendre combien l’eau ici est une source essentielle.
Sur les bords du lac Tana, Les « résidants » les plus nécessiteux s’y lavent, nettoient leur linge, pêchent et dorment sur ses rives.
Contraste saisissant avec les quelques hôtels luxueux qui surplombent la misère les pieds dans l’eau.
En matinée, sous la fraîcheur des jacarandas, nous rencontrons Guess, il est du coin et s’impatiente du manque de touristes.
Guess est guide officiel, il tue le temps, nous prenons un pot ensemble sur la pelouse d’un hôtel-restaurant avec vue sur le lac :
Elle nous a repéré, elle accélère le pas, elle a compris que nous étions Français... Elle arrive en souriant en nous disant « adopted, adopted, France... »
Guess nous dit qu’elle ne rate jamais l’occasion d’interpeler un Français qui passe dans l’allée du restaurant où elle travaille.
Elle a une fille en France…Adoptée il y a neuf ou dix ans, elle ne sait plus très bien.
A-t-elle des nouvelles demande-t-on naïvement ? « Une photo en dix ans » nous répond Guess.
Sans se départir de son sourire, elle voudrait qu’on aille rendre visite à sa fille:
« visit my daughter sir ! »
Mais elle n’a ni adresse, ni nouvelle…
« visit my daughter sir ! »
Maman éternelle, la souffrance paraît lui avoir mangé la raison.
Elle s'en va comme elle est venue, en souriant :
Bouleversant !
« visit my daughter sir ! »
Dans ma tasse, le café est froid.
Bahar Dar :
Deux adresses sympas parmi les nombreux établissements qui longent le lac :
Une excellente cuisine authentique : « Misrak special food » tout près du Jacaranda hôtel.
Pour boire un vrai café : « Wude coffe »
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