Le Ranquet en Vadrouille...Carnet de route.

Le Ranquet en Vadrouille...Carnet de route.

Ethiopie 9, Harar, dans l'ombre de Rimbaud.

Ethiopie 9, Harar, dans l'ombre de Rimbaud.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

" Depuis longtemps je me vantais de posséder tous les paysages possibles…

 

 

Je rêvais croisades, voyages de découvertes dont on n’a pas de relations, républiques sans histoires, guerres de religion étouffées, révolutions de mœurs, déplacements de races et de continents :

 

 

 Je croyais à tous les enchantements.

 

J’inventai la couleur des voyelles !

 

 

 A noir, E blanc, I rouge, O bleu, U vert. 

 

 

 

Je réglai la forme et le mouvement de chaque consonne, et, avec des rythmes instinctifs, je me flattai d’inventer un verbe poétique accessible, un jour ou l’autre, à tous les sens…

 

 

 J’écrivais des silences, des nuits, je notais l’inexprimable.

 

Je fixais des vertiges."

 

 

« Alchimie du verbe » issue d’ Une saison en enfer.

 

 

Arthur Rimbaud

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Par quelle porte est-il entré ? 

 

En franchissant les murailles blanches du « Jogol », ville close enfermant  les secrets  d’une médina qui vit le jour au VII ème siècle, avait-il déjà  à l’esprit les couleurs des voyelles ?

 

 

Quand il débarque dans cette cité de poussière en  1878/1880 ( ?), qu’a donc en tête le poète maudit qui, derrière lui, abandonne la grisaille des Ardennes ? 

 

 

Sous le soleil de l’Est Abyssin qu’on disait interdit aux chrétiens, Rimbaud  brûlera dix années d’une courte vie aventureuse.

 

Le jeune Français, poète et trafiquant d’armes, s’incrustera à Harar…

 

 

 

 

 

 

 

 

Nous  y sommes dans cette  ville chargée d’histoire, une ville qui se mérite :

 

Compter 11 heures de bus depuis Addis Abeba  pour rejoindre le mythe de Rimbaud dans la corne de l’Afrique.

 

 

Mais avant, il nous a fallu  remonter du sud ;  De Jinka à Addis, deux jours sont nécessaires.

 

 

À nouveau dans la turbulente Addis, nous tiendrons notre promesse et irons rendre visite à Mars dans l’avenue Churchill.  

 

 

 

Des « sans grade », qu’on remarque à peine, enveloppés de couvertures sans couleur, gisent à même le trottoir :

 

Beaucoup sont lépreux, amputés…

 

 

La lèpre, une maladie d’un autre âge.

 

Une maladie difficilement imaginable pour un Européen mais toujours  « possible » en Afrique.

 

 

Près de la vendeuse de frites, Mars est à son repère habituel, sur la table, le pochon de feuilles de kat posé à côté de sa bière.

 

Il déraille un peu. Son esprit s'embrouille parfois.

 

 

Il s’inquiète de savoir, à partir de quand la peau commence à flotter sur des muscles amaigris.

 

Il nous demande «  est ce qu’on se souvient quand on est vieux ? »

 

 

Sa mémoire lui joue des tours, il dit faire des cauchemars…

 

 

En attendant, Mars continue à brouter du kat et quand vient le soir, il tasse quelques gins.

 

 

 

 

 

 

 

Mars est satisfait que notre séjour dans le sud se soit bien déroulé…J’ignore même s’il connait le Sud de son pays !

 

 

 

Notre guesthouse va se charger de la réservation des billets pour Harar :

 

Le gérant, franchement désolé, nous apprend que la compagnie privée « Selam bus » n’opère plus la ligne qui mène à Harar  traversant l’Est du territoire Oromo.

 

 

 Oublié le bus de ligne « luxury », seuls les bus du  réseau public assurent ce service.

 

En septembre, les  affrontements ethniques  entre Oromo et Somali, se seraient soldés  par plus de trois cents morts (*).

 

 

Deux bus incendiés, à deux heures d’Harar (toujours  en vrac au milieu de la route !) ont conduit « Selam bus » à suspendre  ses circulations.

 

 

Donc jusqu’à nouvel ordre, pas de  bus grand confort à destination d’Harar !

 

 

Nous traversons d’éblouissants paysages de montagne, arides, ventés…

 

 

 

Arbustes secs et épineux encadrent une route tourmentée ; C’est derrière ces buissons qu’ont fait l’arrêt pipi, les femmes d’un côté, les hommes de l’autre.

 

 

Par endroit la terre est noire, sur ces parcelles fertiles  pousse le meilleur Kat du pays !

 

 

De la vitre du bus, on aperçoit les paysans au travail ; Les gamins, souvent pieds nus  font avancer les troupeaux; les jeunes filles, encore enfant, portent leurs petits frères ou sœurs sur leur dos.

 

 

Dans les plaines dominées par  des surfaces collinaires plantées de khat et de café, s’élèvent des tornades de poussières qui enrubannent l’unique route qui mène à Djibouti et à la Mer Rouge.

 

 

Axe trop chargé, très accidentogène :

 

Trop de poids lourds, norias de bus, de minibus, et d’innombrables marcheurs…

 

Bétail traversant la route, troupeaux de chèvres, chameaux.

 

 

Camions versés au fossé, carcasses de véhicules  abandonnées.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ça nous réveille brutalement, le bus vient de piler sévère !

 

Les villageois ont déjà fait barrage devant l’avant du bus:

 

Une chèvre est passée dessous…Mais elle galope !

 

 

 Suffisamment petite, elle ne semble pas avoir été touchée.

 

D’ailleurs des gamins ont du mal à la maîtriser tant elle parait vive et en bonne santé !

 

 

Mais c’est le début de l’embrouille :

 

Pour son imprudence, le chauffeur du bus doit dédommager la propriétaire qui a l’appui  de tout le  village.

 

 

La biquette n’est pas blessée, mais donnera-t-elle du lait ? Pourra-t-elle faire des petits ?

 

 

Une bonne demi-heure de négociations théâtrales plus tard, la chèvre, pattes ficelées, rejoint la soute à bagages; le contrôleur en charge de la bourse  aura lâché 1500 Birrs (plus ou moins 45 Euros !).

 

 

 

A l’arrêt suivant, on revend la biquette…

 

L’acheteur sait qu’elle sort de la soute à bagages et en connait la raison.

 

Donnera-t-elle du lait, fera-t-elle des chevreaux ? Et le business continue !

 

 

Epuisant voyage qui prend la journée entière, à 17 h nous débarquons en terre Sainte.

 

Nous arrivons enfin à Harar, porte d’entrée de l’Islam dans la corne de l’Afrique.

 

 

Très peu de touriste, la ville  s’ouvre aisément, sans fard, sans maquillage.

 

 

 

Un air d’Orient flotte sur le vieux « Jugol »…

 

Derrière les murailles blanches,  les femmes, amples tenues colorées, vendent  à même le sol, oignons rouges,  piments, choux, lentilles, bottes d’épinards, café.

 

 

 

 


 

 

 

 

Des boucheries, petites gargotes fragiles, suspendent à leur porte des chèvres débitées en deux et exposent des quartiers de chameaux.

 

 

Spécialité locale,  la viande crue…Bon, faut aimer !

 

 

 

 


 

 

 

 

Dans l’enchevêtrement de ruelles étroites, accroupis, dos au mur, les vendeurs cherchent l’ombre.

 

Les murs sont recouverts d’un badigeon bleu, vert, parfois rouge orangé.

 

Le temps d’une tasse de café en terrasse, on pourrait se croire à Tanger ou dans un vieux village grec.

 

 

 

 

 

 

 

 

La ville est musulmane, mais  de nombreux petits cafés  apaisent les buveurs  peu sensibles au tapis de prière.

 

 

 

Les yeux rougis par le broutage des feuilles tendres du  kat, les hommes papotent devant leurs bières tiédissant doucement dans les verres.

 

 

Qui y-a-t-il de changé  dans la vieille ville depuis que Rimbaud a quitté Harar ? On se plait à penser qu’ici rien ne bouge…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Même le Harar « moderne » se révèle nostalgique :

 

Toutes venues de Djibouti, les incontournables Peugeot 404 sillonnent la ville inlassablement.

 

 

Au pied des murs d’enceinte  du «  jogol » il ne manque qu’un air de salsa pour s’imaginer à Cuba…Enfin presque !

 

 

 

 

 

 

 

Harar s’entoure d’oubli, c’est ici que Rimbaud, inquiétant ses proches, avait choisi de disparaître.

 

En 1880, le poète fait le choix de mettre son portable en mode « avion », de se  déconnecter d’internet en ignorant le reste du monde.

 

 

Son pote Verlaine dira de lui :

 

 

 « On l’a dit mort plusieurs fois. Nous ignorons ce détail, mais en serions bien triste. »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 (*)  Trois cents morts ou plus… « L’Orient le jour », le journal Libanais francophone, généralement bien informé, évoque ce lourd bilan.

 

Le gouvernement fédéral parle de nombreuses victimes sans préciser les chiffres. De récentes arrestations auraient permis de mettre sous les verrous les principaux instigateurs de ce conflit.

 

 

Fédération de façade, l’Éthiopie doit faire face  à de brusques flambées de violences entre ethnies en conflit d’usage pour les pâturages, les points d’eau…

 

Chaque ethnie  se rejetant la responsabilité de la violence, il est difficile de savoir où sont réellement les fautes de chacun.

 

 

 On atteint ici les limites absurdes d’un découpage de régions, basé sur la  race et ignorant la tradition nomade des éleveurs, évidemment en quête de pâturages et d‘accès à l’eau.

 

 

Ces violences meurtrières  mettent une nouvelle fois  en lumière les tensions qui traversent le système de gouvernance éthiopien ; Un  "fédéralisme ethnique" qui  ne semble pas apporter les bonnes réponses.

 

 

La compagnie « Salam bus Tigray development association »  apparaît symboliquement proche du pouvoir détenu par la minorité du Tigray (Nord du pays) et aurait pu payer le prix d’un avertissement dans le manque  d’intervention de l’Etat  et l’absence de protection des populations.

 

 

Quand les bus crament, les compagnies privées abandonne la desserte!

 

 

 

Harar pratique :

 

La maison de Rimbaud n’existe plus…Mais vous trouverez facilement un « guide » pour vous la présenter.

 

 

 

Une tradition au pied des murs de la vielle ville :

 

 

 

Le banquet des hyènes,  elles sont domestiquées et se comportent comme de tendres chiens, tous les soirs vous pouvez assister   au festin et même leur tendre la barbaque vous –même.

 

 

(Nous n’y avons pas été)

 

 

 

Un hôtel à Harar :

 

 

le Ras Hôtel, d’inspiration soviétique, grandes chambre avec petit salon, eau chaude, buffet petit déj très bon, service excellent.

 

 

 

 


 

 

 

Un peu plus cher qu’à notre habitude (bon, c’est la fin du mois, on s'accorde un extra!) 1000 birrs ( environ 30 euros la chambre double)

 



02/12/2017
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