Jamaïque 1, entre illusions et réalités...
Jamaïque 1,
Entre illusions et réalités…
« Le véritable voyage de découverte ne consiste pas à chercher de nouveaux paysages mais à avoir de nouveaux yeux. » Marcel Proust.
…à savourer comme une madeleine trempée dans une tasse de thé ! Sacré Marcel !!
Le passage dans le territoire Britannique d’outre-mer à Grand Cayman, le temps d’une nuitée, puisqu’il n’y a pas de solution depuis Cuba pour rejoindre directement la Jamaïque, nous a valu quelques interrogations de la part du service de sécurité du modeste aéroport de George town :
Après un atterrissage grandiose au ras des flots, surprenant pour les non-initiés, les sujets de Sa Majesté Elisabeth ont souhaité savoir où nous passions la nuit ?
Et bien dans l’aéroport leur a-t-on répondu poliment.
Problème :
L’aéroport ferme après le dernier vol prévu vers 19h 00. Il faudrait donc songer à un hébergement nous dit-on!
Comme Grand Cayman n’a guère l’habitude d’accueillir les bourses plates, les options « économiques » n’existent pas.
Quand on vient à Cayman, on ne compte pas ! (certains même y déposent !)
On nous suggère le Marriott beach resort planté au cœur de la plage seven mile beach.
Rien qu’imaginer l’étendue de sable blond qui borde le bleu des Caraïbes suffit à me faire une idée du prix du plumard King size que nous ne souhaitons pas !
Mais nous sommes entre deux vols (15h d’attente) et en théorie on ne peut pas quitter la zone de transit sans autorisation... Ou sans notre consentement.
Alors ça semble un peu embêter le staff (bien sympa) qui ne voit guère de solution.
Au-dessus de la salle d’embarquement, librement accessible par un escalier extérieur, nous repérons rapidement le hall visiteur, ouvert à la brise, sous une immense charpente de bois qui domine le tarmac.
Emplacement idéal, tables et bancs confortables où nous passerons la nuit.
En prime, et ce n’est pas rien, connexion wi-fi gratis !
Sur les conseils d’un agent de nettoyage, Je quitterai l’aéroport sans soucis pour le supermarché proche (fermeture 23H !), très américanisé, et me permettant de faire non pas un « gueuleton », mais disons de quoi se sustenter !
Embarquement pour Kingston tôt le matin.
Pratique nous sommes sur place !
À notre arrivée, il pleut sur la capitale de la Jamaïque, ciel gris et sévère moiteur.
Taxi pour le centre-ville, négociation ardue pour le tarif de la course.
À l’approche de la banlieue le chauffeur verrouille électriquement les portes de la voiture.
Nous débarquons à la station des bus « Knutsford Express» qui assurent les relations grandes lignes de l’île :
Vigiles aux grilles d’accès, barbelés dissuasifs tout autour du site, on ne doit pas se séparer des sacs.
Employés pas très vifs mais courtois.
welcome in Jamaïca !
Les dépliants des tours opérateurs l’annonce, La Jamaïque est une destination de rêve !
Plages splendides, montagnes envoutantes, couchers de soleil empourprés.
Au premier plan se profilent des palmiers courbés swinguant doucement dans la brise.
Papier glacé où domine le bleu, ces magnifiques cartes postales font de la Jamaïque l'une des îles des Caraïbes les plus séduisantes.
C’est certain, les vendeurs savent s’y prendre !
Au touriste consommateur de faire le tri et d’y apporter la nuance!
Tout en sachant que les promesses non tenues peuvent nourrir des déceptions !
Derrière les clichés des plages « paradisiaques » se dissimule une toute autre réalité.
Nichée à moins de 150 km au sud de Cuba et séparée de 180 Km à l’ouest d’Haïti, cette ancienne possession Britannique fait partie de l’archipel des Grandes Antilles.
L’intérieur de l’île, verte forêt dense, est très montagneux.
Une plaine côtière étroite, offrant peu d’espace, ceinture l’île et consent quelques brèches où se sont étirées les principales villes portuaires.
Un peu plus grande que la Corse, la Jamaïque baigne dans la zone tropicale humide des Caraïbes. Il fait chaud, très chaud parfois !
La fraicheur des montagnes reste une excellente alternative à qui veut échapper au sable brûlant…et aux fatigantes sollicitations des spots touristiques !
Voilà grosso modo pour le cadre.
Nous traversons l’île pour rejoindre la côte nord.
Routes en relative bon état, important programme de modernisation du réseau confié à des sociétés chinoises.
Le bus nous dépose à proximité d’Oracabessa où nous avons une « location ».
Ce fut une première erreur !
Si nous avions vu la guesthouse, nous aurions passé notre chemin, mais les photos (trompeuses) d’airB&B ont su adroitement nous convaincre.
Surprise, nous n’étions pas attendus !
La propriétaire vit à New-York et confie la gestion de sa « cabane » à une femme sans âge entourée de gamins, de chiens qui se grattent et de chats.
Nous avons le choix entre plusieurs "boui-bouis" assez cradingues, nous optons pour l’étage qui semble être le plus convenable. ( Ou disons le moins pire ! )
C’est dommage, un peu mieux arrangé avec un poil de rénovation, l’endroit deviendrait acceptable !
Sans s’affoler, la Jamaïcaine style « rasta » s’attèle à faire le lit pendant que Marie joue du balai au sol et de l’éponge dans le lavabo qui menace de desceller.
Plus tard nous découvrirons, oubliée, une poubelle odorante dans le réduit qui sert de salle d’eau.
Notre hôte se fend la poire en permanence dévoilant les rares dents que sa probable dure vie lui a laissées.
On la sent un peu perchée, chaque fin de phrase se ponctuant d’un vibrant « yah mon » sonore.
(Prononcez : yé man, qui signifie un genre de « oui bien sûr ! »)
J’ai du mal à capter l’anglais de certains Jamaïquains qui utilisent une forme anglaise créole.
C’est le terme «patois», identique au mot français qui désigne cette langue chantante.
Au fond du jardin en broussaille, un bungalow bringuebalant tremble sous des coups de marteau, un vieux rasta man, dreadlocks enroulées sous un haut de forme en cuir, brise des noix de coco sur le plancher de la véranda.
Il se dit artiste et compagnon de la propriétaire absente.
Pendant que le nettoyage s’opère, j’enquête pour savoir où nous pouvons faire quelques courses :
Le lieu, malgré la proximité d’une grande route passagère, est assez isolé.
Le village s’étire le long de cet axe qui longe l’océan.
De petits « supermarchés » gérés par des Chinois approvisionnent la population qui ne manque pas de nous rappeler comment ici la vie est idyllique, d’ailleurs tout en bas, s’étend la légendaire « James bond beach » !
L’atmosphère est décontractée nous assure un vendeur d’herbe:
En effet, ce n’est pas faux, c’est plutôt désinvolte, l’endroit pourrait être enchanteur, mais les détritus qui encombrent la plage mettent un frein à l’enthousiasme !
À l’ombre des palétuviers, les biquettes qui gambadent en fouillant les restes des sacs plastiques ne semblent pas s’en alarmer.
En face, derrière une luxuriante forêt tropicale, se dissimule la propriété de "Golden Eye".
C’est ici que Ian Fleming aurait écrit la plupart de ses romans d’espionnage.
Cette résidence de luxe, invisible depuis la plage, appartient aujourd’hui à l’ancien producteur du Roi Bob Marley.
La Jamaïque abrite de grandes fortunes mais l’écrasante majorité des Jamaïquains est très pauvre.
Pratiquement aucun visiteur sur cette plage, et pour cause…
On comprendra plus tard que seules les plages privées (à quelques exceptions près), sont propres et entretenues:
Droit d’entrée 10 US !
Face à la baie d’Oracabessa, quelques adeptes du pétard tuent le temps en grillant des joints tout en cabossant des flasques de rhum blanc.
Attention, le rhum ici c’est du lourd, 63° !
Marie déclinera l’offre de deux jeunes qui dès 10h du matin rigolent beaucoup:
« you should try mom ! feel relax ! »
De violents orages vont copieusement arroser le coin, à 15h il fait presque nuit.
Un bâtiment en ruine mangé par la végétation fait face à notre terrasse et nos bières sont chaudes.
On pourrait rêver mieux pour une première en Jamaïque ! Après Cuba, le moral en prend un coup !
Mais demain est un autre jour !
Nous allons bien la dénicher cette pétillante Jamaïque que nous vantent les cartes postales !
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