Pérou 8, Arequipa, l'exceptionnel couvent Santa Catalina.
Pérou 8, Arequipa, l’exceptionnel couvent Santa Catalina.
"Tout, dans cette ville de 30 000 âmes, où les Blancs se faisaient passer pour nobles ou rêvaient de l'être, dénonçait la colonie".
Mario Vargas Llosa, « Le paradis, un peu plus loin »
C’est Coline qui nous en a parlé en premier.
Elle arrivait d’Arequipa, enchantée de sa visite.
À vrai dire, nous n’avions pas connaissance de ce joyaux architectural admirablement conservé.
Le rendez-vous semblait immanquable, il ne fallait surtout pas louper le couvent Santa Catalina !
Un peu gavé des ors et des dorures des églises, dans cette très Sainte Catholique Amérique latine, Je pensais rencontrer un monastère de plus ! Encore un !
Mais Santa Catalina, c’est autre chose:
Ici, on parle de Monasterio, pourtant il s’agit bien d’un village de femmes qui « anima » (car il s’agit bien d’animation !) le cœur de la ville durant une étonnante époque de liberté !
Flora Tristan (*), écrivaine, militante de la cause de femmes, engagée dans la défense des ouvriers et des esclaves, fit un voyage d’une année à Arequipa en 1834.
Dans son récit, « Pérégrination d’une paria », un ouvrage qui fit scandale dans la colonie espagnole mais lui ouvrit les portes des salons intellectuels de Paris, elle fait une description des mœurs de l’époque, du faste des lieux et de la légèreté des religieuses qui ne portaient pas le voile :
"Quels hourras quand j'entrai! A peine la porte fut-elle ouverte que je fus entourée par une douzaine de religieuses qui me parlaient toutes à la fois, criant, riant et sautant de joie. (…)
Celle-là écartait ma robe par-derrière, parce qu'elle voulait voir comment était fait mon corset.
Une religieuse me défaisait les cheveux pour voir comme ils étaient longs; une autre me levait le pied pour examiner mes brodequins de Paris; mais ce qui excita surtout leur étonnement, ce fut la découverte de mon pantalon."
Evoquant les diners « des plus splendides » dans les « cellules » où elle fut invitée, elle poursuit :
"Nous eûmes de la belle porcelaine de Sèvres, du linge damassé, une argenterie élégante et, au dessert, des couteaux en vermeil.
Quand le repas fut terminé, la gracieuse Manuelita nous engagea à passer dans son retiro (salon).
Elle ferma la porte de son jardin et donna des ordres à sa première négresse, pour que nous ne fussions point dérangées."
On savait donc bien vivre à cette époque où les banquets entre nones étaient courants, la pratique de l’eau bénite n’entravait point les franches rigolades et la bombance !
Après la parution du livre de Flora Tristan, le gai et pétulant bazar du couvent vint aux oreilles prudes du Vatican qui dépêcha rapido une Dominicaine, pas commode parait-il, Josefa Cardena, en charge de remettre de l’ordre dans la baraque !
Véritable musée en plein air, ce village dans la ville, à l’abri des regards derrière de hauts murs, fut construit à la fin du XVIe siècle.
Impressionnant dédale de patios fleuris, fontaines murmurantes au centre de placettes ombragées, ruelles préservant la fraicheur, Santa Catalina occupe plus de 20 000 m2 ce qui en fait le couvent le plus grand au monde et le plus coloré !
Au temps de sa splendeur, le couvent comptait près de cinq cents pensionnaires :
Nones, servantes et esclaves.
Aujourd’hui une quinzaine de carmélites, isolées du public mais connectées à internet, perpétuent une tradition de prières et de pénitence.
Au cœur de la blanche Arequipa, les murs du couvent offrent un festival de chaudes couleurs, des ocres vifs, des enduits orange abricot, des rouges foncés, des bleus indigo intenses qui ne sont pas sans rappeler la Grèce.
Et lorsque le jour décline, le soleil du sud Pérou embarque le visiteur dans un labyrinthe lumineux splendide !
Magnifique !
(*) Flora Tristan deviendra la grand-mère de Paul Gaugin.
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