Le Ranquet en Vadrouille...Carnet de route.

Le Ranquet en Vadrouille...Carnet de route.

Rwanda 6,Léonidas et Jean Damascène, portraits .

Proverbes  Rwandais :

 

 

« Dieu te donne et ses dons ne s’achète point »

 

 

« Les larmes d’une veuve n’empêche pas son mari de s’en aller ! »

 

 

 

 

 

Portraits : Léonidas 33 ans  et Jean Damascène 28 ans.

 

 

 

 

 

La route matinale du deuxième jour de trail  serpente en fond de vallée. 

 

Le soleil, déjà haut, fait monter des vapeurs du sol encore humide des pluies de la veille.

 

 

 

 

 

 

 

 

 En franchissant un pont fait de troncs d’eucalyptus lustrés, presque vernis par les passages quotidiens, nous avons un dernier regard sur la maison de Pierre et Florence plantée à flanc de colline.

 

 

 

Les villages traversés partagent en commun la misère, certains peut être plus que d’autres.

 

 

 

 

 

 

 

Une forte odeur de goudron et des voix d’hommes chantant sous l’effort, nous indiquent la présence des « lignards » dans un village :

 

 

Les trous sont faits ; transpirants sous le poids des poteaux enrobés de blackson, les ouvriers de la Compagnie Générale d 'Electricité érigent les premiers supports qui apporteront « la lumière ».

 

 

 

Le village observe, les  messieurs en cravate de Kigali tiennent donc leurs promesses.

 

 

 

Bientôt la lumière… Bientôt.

 

 

 

 

 

 

 

 

Nous avons vu cette touche de  bleue turquoise de loin.

 

Elle fait un comme un trou dans le  vert de la cime des arbres qui l’entourent. On le sent, c’est haut perché, il va falloir encore grimper!

 

 

Ici, on la nomme « la cathédrale »…Elle en a les dimensions.

 

 

 

Hauts et puissants murs de pierres, maçonnerie solide faite pour durer, charpente métallique supportant des tôles bleues, larges vitraux modernes.

 

 

 

 

 

 

 

 

 En bas le village de poussière écrasé de chaleur, en haut « Notre Dame du Sacré Cœur » dominant l’immensité immobile du lac Kivu.

 

Il fait bon et frais à l'intérieur de "La maison de Dieu "

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Sept heures de marche pour en finir avec cette pente raide et caillouteuse s’ouvrant sur l’esplanade de la forteresse.

 

 

Aller voir le Bon Dieu ça se mérite!

 

 

Il va falloir qu’il demande l’autorisation au prêtre…lui, il n’est que le vicaire!

 

 

Jean Damascène enfourche sa moto, il va aller voir. Mais en principe c’est bon!

 

Nous allons pouvoir passer la nuit au presbytère.

 

 

Nous attendons. On brûle de soif, les bidons sont vides.

 

 

L’échappement de la moto qui revient  nous sort de notre torpeur, la douche à l’eau froide achève de nous réveiller, l’eau boue sur le brasero, le thé se prépare.

 

La chambre est sommaire, ça manque d’aération.

 

Une odeur de moisi. Les moustiquaires sont en bon état, des panneaux solaires assurent l’éclairage.

 

 

 

 

 

 

 

Jean Damascène nous confie que le père Léonidas est heureux de partager ce soir sa table avec des pèlerins.

 

 

 Ah, Léonidas!!... Allons-nous avoir des chocolats en dessert ?

 

 

Madja se marre, le vicaire ne saisit pas l’allusion mais comme tout le monde rigole, alors lui aussi… « Bienvenu, bienvenu… » S’esclaffe t- il!

 

 

Adoration à 19 h, Vêpres à 19 h 40, souper à 20 h suivi de récréation et complies, couvre-feu à 22 H et  silence sacré !

 

 

 

Le programme est agrafé à la porte de notre turne…On ne peut pas dire qu’on ne savait pas!

 

 

Jean Damascène et Léonidas ont revêtu de belles soutanes blanc crème fraîchement repassées:

 

Ce soir les curés reçoivent!

 

La table est solidement  garnie :

 

Soupière fumante, délicieuses frites coupées à la hache (merci le colon Belge !) assortiment d’haricots rouges aux épinards, pâtes italiennes à la tomate, sauté de veau en sauce, l’incontournable boule pressée de manioc et ananas en grandes portions.

 

 

 

 

Les ecclésiastiques font bombance et savent recevoir !

C'est peu de le dire!

 

 

 

 

 

 

 

 

Sous l’œil de Benoit le seizième, suspendu au mur, un peu de travers, à la droite de Jésus, le père Léonidas intime à son vicaire de déclamer la prière bénissant le souper.

 

 

L’affaire est particulièrement vite expédiée:

On dirait qu’ils ont faim!

 

 

 En fait, ils ont soif…

 

Léonidas décapsule les «  Mutzigs » et les « Primus »de 75 cl et on trinque à la gloire de Dieu qui est Amour !

 

 

 

 

 

 

 

 

Les petits faitouts chinois rouges émaillés font plusieurs fois le tour de la tablée, les prêtres se servent et en reprennent!

 

 

 

Nous aussi, nous savons être polis, c'est facile car les préparations sont excellentes!

 

 

Soutanes rebondies, ils sont fiers d’annoncer que l’on dîne avec les légumes de leur jardin !

 

 

Enfin presque…, Les corvées de jardinage sont attribuées aux paysans d’en bas.

 

 

 

L’activité pastorale ne laisse pas assez de temps aux prêtres pour manier la binette, ils doivent courir de collines en collines porter le message  de Jésus.

 

 

Heureusement ils ont chacun leur moto!

 

 

Entre deux messes, Jean Damascène s’autorise une coupure de temps en temps pour se détendre et pratiquer le volley- ball.

 

 

 La fermeture de sa soutane distendue, dont quelques boutons semblent souffrir pour contenir son ventre, ne confirme pas son assiduité à la pratique sportive.

 

 

Léonidas prévient dès le départ qu’il ne fait pas de politique! la lecture de la parole divine suffit, il n'y a rien d'autre qui vaille!

 

 

 Le génocide c’est grave bien sûr, mais c’est du passé.

 

 Pour le Rwanda, Léonidas souhaite unir le peuple dans la croyance de Dieu.

 

 

Jean Damascène quant à lui, veut voir un Rwanda « solidaire »…Nous évitons de creuser ce qu’il entend par « solidaire ».

 

 

Notre table est ponctuée de fous rires, la discussion est très Africaine,  franchement on se marre!

 

 

Comme ces jeunes curés nous disent manger de la soupe (très bonne !) tous les soirs, Madja pense  qu’il s’agit là d’un moyen de ne pas penser aux femmes!

 

 

 

 Le ventre contenté, ils n’ont guère les préoccupations des paysans du bas qui eux vivent avec moins d’un dollar par jour.

 

 

Madja nous dit : « on mange toujours bien chez les curés…ils ont beaucoup ! »

 

 

 

 

Léonidas lâche quelques rôts discrets à table, c’est la bière…!

 

 

Benoit le seizième, toujours un peu de travers, ne semble pas s’en émouvoir. Nous non plus!

 

Cette nuit nous dormons sur nos quatre oreilles au presbytère de Rutsiro, diocèse de Nyundo au bord du lac Kivu:

 

Un sommeil d’ange !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Position de l’Eglise Catholique avant, pendant et après le génocide :

 

 

 

La plus part des différentes Eglises sont d’accord pour dénoncer l’horreur des violences mais ne cherchent pas à aller plus loin dans l’analyse des responsabilités du génocide.

 

 

 

 

l’Eglise Catholique en particulier s’arrangerait volontiers de la théorie du « double génocide ».

 

 

 

 

L’histoire du Rwanda est profondément marquée par les massacres depuis 1959, à chaque fois les Tutsi (minoritaires à 20% environ) ont cherché refuge dans les églises.

 

 

 

 

En 1994 les maisons de Dieu se sont refermées sur les fidèles comme un piège inextricable ; les églises n’ont été d’aucun secours pour ces pauvres gens, au contraire, la concentration des familles dans  ces lieux de culte a simplifié le « travail » des  génocidaires!

 

 

 

 

En 1990 le pape Jean Paul II avait suggéré le dialogue avec les exilés.

 

 

 

 

 

Dès le 27 avril 94 ( 3 ème semaine de massacres ) le pape aurait été une des premières autorités à dénoncer à l’ONU les exactions et l’extrême gravité de la situation.

 

 

 

 

En 1996, Jean Paul II déclare que si des représentants de l’Eglise étaient « coupables », ils devaient être jugés.

 

 

 

 

Cependant, avec le temps, le Vatican a pris des positions ambiguës troublant les rescapés et rendant le message initial beaucoup moins clair :

 

 

 

Des prêtres notoirement compromis dans des actions génocidaires vivaient au Vatican ou ailleurs dans le monde, continuant à exercer leurs fonctions pastorales. 

 

 

 

 

« l’Osservatore Romano » a développé à ce moment-là la théorie révisionniste du double génocide pour justifier l’impunité des religieux compromis.

 

 

 

Plusieurs prêtres  et religieuses ont été condamnés pour génocides, mais pas tous.

 

 

 

 

L’Eglise du Rwanda porte de lourdes responsabilités dans la « préparation » des esprits au maniement de la machette !

 

 

 

 

 

Les prêches du matin au soir, dénoncées par les ONG, ont largement manipulé la population programmée à ne jamais contester l’autorité religieuse !

 

 

 

 

En septembre 2005, Guy Theunis, prêtre blanc, et ancien directeur de l’influente revue de L’Eglise Catholique du Rwanda « Dialogue », a été arrêté par les autorités Rwandaises au titre des catégories des premiers suspects, à savoir les planificateurs du génocide.

 

 

 

 

 

Guy Theunis était également correspondant de "reporters sans frontières"

 

 

 

 

Transféré en Belgique, son pays d'origine, après 75 jours de prison à Kigali , aucune charge n'a été retenue par le juge d'instruction de Bruxelles...

 

 

 

 

Guy Theunis semble toujours, aujourd'hui, militer pour une reconnaissance du "double génocide", sans jamais utiliser ce terme, mais tente de minimiser les "égarements " des curés et religieuses Rwandaise. 

 

 

 

 



05/10/2012
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