Colombie 18, je vous écris de Capurgana...
Colombie 18,
Je vous écris de Capurgana, golfe d’Uraba, mer des Caraïbes…
La- bas, tout en haut du Choco ! Paraiso perdido !
« Du point de vue des Indiens des îles Caraïbes, Christophe Colomb, avec son chapeau à plumes et sa cape de velours rouge, était un perroquet aux dimensions jamais vues. »
Edouardo Galeano
Le Choco n’a pas bonne réputation :
C’est une région couverte de jungle épaisse, impénétrable ou presque.
Pluies tropicales abondantes et chaleur moite façonnent les paysages et le rythme indolent des pêcheurs qui vivotent le long des côtes.
La population est pauvre, la guerre civile a réduit quasiment à néant le peu de tourisme des années 2000, cependant les militaires ont « en partie » ramené l’ordre dans certains secteurs, mais les organisations mafieuses des paramilitaires semblent reprendre du terrain, là où les Farcs ont libéré des espaces.
Rien de rassurant sur le processus de paix en cours, j’aurais l’occasion d’y revenir.
Mais quelques pueblitos tirent leur épingle du jeu.
Les lanchas qui quittent les pontons du port de Turbo ont réappris à convoyer chaque jour quelques voyageurs à la recherche de destinations aux couleurs caraïbes, éloignées de la foule ; alibis aux plages de sable blanc maintenant bien sécurisées par une présence discrète des soldats gouvernementaux.
Allez c’est parti ! En « route », du moins en lancha, pour Capurgana et Sapzurro, deux villages aux confins de l’inaccessible Darien, ce tampon de forêt vierge et de marais qui condamne toute création de route entre le Panama et la Colombie.
Capurgana et Sapzurro, chahutés par les vagues de l’océan, sont les deux derniers hameaux les plus au nord de l’Amérique du Sud.
Leur isolement donne l’impression de débarquer sur une île, mais il n’en est rien, nous sommes bien sur le continent, sous le soleil des Caraïbes :
Sentiers de terre, chevaux tirant des charrettes, grosses barques sur la plage, baraques sommaires… Et en soirée le populaire tinto supplanté par le mojito !
Pas de voiture, pas de banque, pas de distributeur de billets, pas de journaux, électricité contingentée (coupures fréquentes), zones wifi capricieuses…
Mais pescado frito excellent et délicieuses glaces artisanales au leche de coco !
Un petit paradis en somme !!
Les touristes qui s’y hasardent sont très bien accueillis, le commerce refaisant surface, les petits hôtels, hospedajes, et restaurants s’alignent dans le village, surtout à Capurgana, Sapzurro étant encore plus confidentiel.
Un joli sentier de randonnée qui traverse la forêt raccorde les deux villages :
Pentes rigoureuses au milieu des singes hurleurs et des toucans, comptez tranquillement deux à trois heures de marche pour l’aller et retour.
Possibilité d’utiliser les lanchas qui font la navette entre les deux appontements des villages.
Mais se priver du sentier serait dommage!
Entre océan et forêt vierge, dans une nature spectaculaire, si ces deux noms de villages exotiques restent relativement ignorés du grand public, ils sonnent comme un Graal aux oreilles de certains bougres, candidats à l’immigration pour el sueño americano.
Venant du Brésil, du Pérou, d’Haïti, de plus loin encore, ils se pressent dans des embarcations qui appareillent la nuit. Les militaires sont de plus en plus vigilants et multiplient les contrôles à la demande d’Uncle Sam.
Rencontre improbable sur l’embarcadère de Turbo, 5 h 30 du matin, avec un jeune Bengalis qui nous dit venir de Dacca !
Très rare de trouver des voyageurs du Bangladesh en Amérique du Sud ! Le lascar, au demeurant sympathique, ne parle pas un pet de lapin espagnol et baragouine un anglais incompréhensible !
Je comprends qu’il s’est fait arracher son portable dans une rue de Turbo la veille. Pas de bol !
Le jeune est nerveux et je tente de lui fournir les explications nécessaires à l’embarquement, en particulier je lui recommande de protéger son bagage (léger) avec les sacs poubelles mis en vente avant le départ, pour tout maintenir au sec.
Il a l’air de planer un peu, c’est clair qu’en parlant le Bengali, ça ne va beaucoup l’ aider dans le coin !
Après notre arrivée à Capurgana, nous ne le croiserons plus.
Le village est tout petit, les lieux d’hébergement sont concentrés, on retrouve généralement tous nos compagnons de lancha à un moment ou un autre.
J’ignore ce qu’il est devenu, j’espère que la Vierge de La Miel l’a bien protégé, que sa destination finale le conduise bien là où son espoir le guide !
C'est toujours émouvant ce genre de rencontre éphémère.
De Dacca à Capurgana, ce trou du cul du monde, on peut imaginer ce long parcours et ce qu'il a probablement enduré!
Feliz suerte amigo!
De Sapzurro au Panama, un escalier pentu permet de franchir une colline où se tient un poste frontière gardé benoîtement par les militaires Panaméen :
AK 47 en bandoulière, ils notent sur un registre les références du passeport qui autorisent à aller siroter un coco loco ou une bière sur playa blanca, village de La Miel au Panama, escapade autorisée jusqu’à 18 h et retour en Colombie.
En fait c’est une tolérance pour les touristes !
Pour les Colombiens ? No se !
La mer est étroitement surveillée.
De Capurgana à Sapzurro les paysages enchanteurs sont au rendez-vous, la montagne touffue dégringole directement dans les eaux turquoises. Les cocotiers offrent l’ombre nécessaire aux hamacs.
Ambiance tropicale, il faut choisir un coin à l’abri du soleil, un bout de toit en paille suffit, et observer les embarcations qui vont et viennent et qui font enfler ou vider le village.
Ne rien faire, buller un bon moment, laisser passer le temps, oublier la montre comme ils savent si bien s’en accommoder ici !
Un petit salut à Noémie et Florent, la tête à l'envers, là bas en nouvelle Zélande...Merci pour les tuyaux !!
Conseils aux voyageurs :
En provenance de Medellin, bus de nuit « grand confort » pour Turbo ( Deux départs, 21 h 30 ou 22 h 30) 55 000 pesos. Arrêt vers 0 h 30 pour casser la croûte durant 30 minutes. Prévoir une laine durant la nuit dans le bus, climatisation forte.
Arrivée à Turbo vers 5 H 30 (ou 6 h 30 pour le deuxième bus) Des motos taxis vous proposent l’acheminement vers le port :
Inutile, ça demande une dizaine de minutes de marche.
Attendre dans l’éclairage de l’arrêt de bus que le jour se lève si vous avez un doute mais en ce moment tout semble sous contrôle.
Vous inscrire sur la feuille d’embarquement dès l’ouverture du guichet :
En principe on appelle les clients dans l’ordre de la liste établie, avantage certain pour pouvoir vous installer sur les bancs à l’arrière de la lancha, vous comprendrez vite pourquoi si vous êtes devant !
Départ annoncé entre 7 h 30 et 8 h, départ effectif 8 H 30, ça dépend des opérations de chargement.
De Turbo à Capurgana :
60 000 pesos, 2 h 30 à 2 h 45 de traversée.
Taxe portuaire locale : 3000 pesos
Poids (des bagages) autorisé 10 Kg, 1000 pesos par kg supplémentaire.
1000 pesos le grand sac poubelle pour emballer les bagages, ne pas hésiter à doubler la protection si la mer est agitée.
à la sortie du port, en pleine mer, l'armée contrôle les passeports et la conformité de la liste d’embarquement (20 minutes).
Le trajet n’est pas une partie de plaisir : dans notre cas la mer s’est formée rapidement, creux de deux à trois mètres, lancha sans toile de protection, prévoir casquette bien accrochée et crème solaire même par temps gris.
Au cul de la lancha, 3 moteurs de 200 chevaux chacun, ça dépote sec !
Chaque franchissement de vague fait retomber la barque comme sur du béton, ça cogne dur, très dur!
Gare aux fessiers fragiles, bien se tenir calé au dossier pour protéger le dos, les gilets de sauvetage sont d’un bon maintien.
Pour passer le temps, penser à Dario Moreno en chantant :
"Oh mon bateau !"
Vous pouvez aussi fermer les yeux !
En principe on arrive trempé à Capurgana (pas toujours)…mais ravi de découvrir ce petit coin de bonheur !
Vous aurez peut-être la chance d’avoir une mer calme, mais n’y comptez pas trop.
Lorsque la météo n’est pas coopérante les départs sont annulés.
Si vous continuez sur la côte Caraïbe, le retour peut s’effectuer en traversant le golfe d’Uraba à destination de Necocli, beaucoup plus court (1 h 30) plus cher (70 000 pesos) , lancha bâchée, meilleur « confort ».
Enfin, éviter les petits déjeuners copieux avant l’embarquement. Vous savez pourquoi !
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