Colombie 6, "El trampolino de la muerte" et signes de croix...
Colombie 6,
«El trampolino de la muerte » et signes de croix !
Au nom du père et du fils et du Saint…
“Je ne crois pas en Dieu mais j'en ai peur.”
« L'amour au temps du choléra », Gabriel Garcia Marquez.
Le taxi n’a pas été nécessaire pour rejoindre le terminal, nos sacs au bord de la route ont suffi pour stopper un véhicule.
Sympa les Colombiens, ça fait deux fois que ça marche!
Nous quittons Mocoa tôt, la route va être longue pour rejoindre Pasto, capitale du Nariño au sud du pays.
Nous partageons la banquette arrière du pickup avec Sherman, un Colombien d’une quarantaine d’année.
A peine installé, il se signe ostensiblement.
À la sortie de la bourgade le chauffeur marque un arrêt devant une famille réunie sur le bord de la chaussée, il reste une place "libre" à l’avant pour embarquer une abuelita.
La douceur dans son regard lui donne une certaine noblesse, elle a l’élégance simple des vieilles personnes.
La mamie a du mal à déambuler, on prend son temps pour l’installer.
Une fois calée entre le chauffeur et un autre passager, l’ancienne se saisit de la figure du Christ qui pendouille à un cordon suspendu au rétroviseur :
Elle entame une prière, silence religieux dans l’habitacle, Sherman se signe une seconde fois en lâchant un « Amen » sonore !
Le chauffeur met en route, ça y est c’est parti pour un sacré tour de manège !
Nous n’avons pas consulté les statistiques, mais le pickup est annoncé le moyen le plus sûr !
Alors nous laissons de côté les minibus, en jetant notre dévolu sur une grosse bête qui nous inspire confiance, un pickup « Nissan » et son chauffeur jovial qui a l’âge de ne plus jouer les « Fangio » !
La propension de Sherman à se signer à tout bout de champ et les prières de la mamie ne sont pas de nature à nous rassurer, surtout que nous ne sommes pas bien certains que le Bon Dieu soit franchement efficace sur le parcours de Mocoa à San Francisco, d’autant plus que s’il reconnait les siens, nous ne figurons pas dans le début de la liste !
« Priez pour nous pauvres pêcheurs ! »
76 km en grande partie accrochées aux nuages entre gorges profondes et ravins vertigineux :
Une des routes les plus spectaculaires du continent américain!
Une seule voie non goudronnée flanquée du début jusqu’à la fin de précipices qui peuvent atteindre 400 mètres de profondeur.
Il s’agit d’une impressionnante route de cols qui autorise quelques croisements de véhicules montants et descendants.
En cas de nez à nez, la seule option c’est la marche arrière jusqu’au terre-plein surplombant le vide, permettant alors la délicate progression de chaque véhicule.
Il y a peu, la piste a été élargie, les conditions de circulation sont meilleures, les camions sont nombreux à cahoter sur cette piste de pierres qu’on surnomme ici « el trampolino de la muerte ».
La route trace une cicatrice hésitante sur les flancs d’une montagne couverte de jungle.
Les cascades dévalant les pentes coupent la piste, occasionnant d’importantes coulées de boue et chutes de pierres qui défoncent les glissières de sécurité.
Les paysages sont splendides, passage à 3600 mètres d’altitude, une mer de nuages flotte au-dessus de l’abime, tandis qu’au loin s’installe un brouillard dense bleuissant le massif colombien.
Après trois heures de brinquebalement, notre chauffeur marque une pause dans un pueblolito de montagne :
Café, fromage de vache et empanadas…
Un court arrêt où nous observons le déhanchement des camions qui (défient !) et défilent sur le trempolino.
Comme une chenille désarticulée, le convoi des poids lourds disparait dans un brouillard humide.
Nous avons à faire à un très bon pilote, comme la plupart d’ailleurs qui opèrent cette jonction jugée très accidentogène :
C'est un grand calme, patient aux culs des camions, zéro prise de risque !
Des croix, des bondieuseries et des exvotos jalonnent le long parcours montagneux, façon flippante d’appeler à la prudence, mémoire vivante des malchanceux oubliés du Bon Dieu !
Arrivés à San Francisco, nous avons l’impression de renouer avec la civilisation, c’est bien une route asphaltée tournicotant dans la montagne qui nous mènera vers la capitale du Nariño.
Nouvelle pause casse-croûte, encore trois heures de navigation supplémentaire et nous y serons.
La pluie, comme un crachin breton, mouille les rues de Pasto.
L'air est un peu frais, bref nous avons survécu au Trampolino, Sherman et la grand-mère ont certainement prié pour nos âmes !
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