Colombie 24, Villa de Leyva, sous les pavés l'épée, la rose et l'ombre de Zorro...
Colombie 24,
Villa de Leyva, sous les pavés l’épée, la rose et l'ombre de Zorro.
Département du Boyacá.
Tongs au fond du sac, shorts et tricots pliés, retour dans les pantalons et à portée de main les polaires qui devraient nous servir.
Dans une heure nous atterrirons à Bogota sur les hauteurs de la Cordillera, 2640 mètres d’altitude.
De la côte Caraïbe à la capitale, 18h de bus ou une heure de survol des Andes majestueuses, le choix est vite fait !
Annonçant la saison des pluies « una violenta tormenta » s’abat sur la ville.
Nous avons sauté dans un bus à destination de Villa de Leyva, on roule sous des pluies diluviennes, à 15h il fait nuit noire, la foudre illumine des gerbes d’eau constantes sur une route métamorphosée en rivière.
Nous n’avons pas souvenir d’un orage aussi furieux !
On sent le chauffeur du bus tendu.
Trafic dense.
Comme une interminable anguille ondulante, le flot de véhicules semble se ratatiner sous la violence du torrent.
Soudainement, sans que l’on puisse saisir ce qui se passe, une vague d’eau pénètre l’habitacle du collectivo, nous sommes à l’avant, aux premières loges pour les ablutions!
Impressionnant !
Brodé sur le tissu du dossier, le slogan de la compagnie de bus Flota Magdalena :
« …Mas que un viaje ! », on confirme, c’est beaucoup plus qu’un voyage, on en a pour son argent, la douche en prime !
Il faudra compter deux heures pour quitter Bogota et s’extirper du bordel, un peu plus tard le conducteur ira se garer dans un petit terminal, le moteur écumant d’une vapeur bizarre.
Il va falloir plonger dans la mécanique !
« Que pena, que pena ! » lance à la cantonade el conductor :
Nous débarquons armes et bagages, taxi pour sortir du pueblo et nouveau bus pour Villa de Leyva !
Nous arriverons de nuit dans la cité coloniale sans vraiment remarquer le gigantisme de la Plaza Mayor, l’une des plus grandes place d’Amérique Latine après celle de Mexico.
Aventures humides pour rejoindre le fleuron du Boyacá !
Il n’aura pas fallu grand-chose pour que la gracieuse Villa de Leyva, longtemps assoupie, prenne l’embonpoint médiatique qui fait de cette petite ville coloniale, autrefois discrète, un endroit aujourd’hui prisé du grand tourisme.
Une telenovela aura suffi à mettre en lumière ses charmantes rues pavées, ses élégants édifices construits pour durer et sa spectaculaire Plaza Mayor, où dit-on qu’un subtil parfum andalou se répand encore jusqu’aux montagnes sentinelles du Boyacá.
Telemundo et Sony Pictures Television ont produit « Zorro - La Espada y la Rosa », une des plus grosses ventes de séries télévisées diffusées dans 97 pays au monde !
Filmée totalement en Colombie avec de nombreuses scènes tournées à Villa de Leyva, la série va orienter les projecteurs sur la ville.
Les tournages sont fréquents dans ce patrimoine architectural :
La Plaza Mayor qui voyait s’élever les potences durant la reconquête espagnole, accueille maintenant les perches de prise de sons et les caméras !
Villa de Leyva fait le buzz et se range parmi les plus belles villes coloniales du pays.
Si l’afflux de visiteurs ne se dément pas, nous avons profité d’une période calme où les cafés, restaurants et boutiques étaient bien loin de faire le plein.
Derrière de solides murs de pierres, quelques « maison-musées » abritent l’Histoire de la Colombie, « le Colombien de tous les temps » a rendu l’âme dans l’une d’entre elle en décembre 1823 :
Antonio Nariño, homme politique de premier plan, traduit dès 1793 la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du français vers l'espagnol, ce qui lui vaut l'exil et la prison.
Nariño, compagnon de lutte de Bolivar est l’un des précurseurs de l’émancipation des peuples sud-américain colonisés sous le joug espagnol.
Héros de l’indépendance de la Colombie, visionnaire avisé, agitateur de conscience, Antonio Nariño demeure un personnage clé de la culture Colombienne.
Plusieurs universités et bâtiments publics portent son nom, des timbres et billets de banque sont à son effigie.
Shakira et Falcao (A S Monaco), stars incontournables du pays, n’ont pas encore eu cet honneur mais semblent être mieux connus de la jeunesse Colombienne !
Des œuvres d’un autre révolutionnaire à sa façon, maniant d’avantage le pinceau et le burin, sont présentées dans une belle demeure coloniale appartenant aux descendants de Luis Alberto Acuña :
Peintre et sculpteur de renom, influencé par Picasso, l’artiste abandonnera définitivement ses tubes de couleurs et sa palette pour rejoindre le paradis des muralistes un jour de 1994.
Dans la fraicheur du patio, des peintures murales témoignent de l’emprise de la mythologie et des légendes indigènes qui accompagneront Acuña dans ses œuvres.
De façon étonnante, certaines toiles sont en vente !
À Villa de Leyva, Il n’y a pas que des façades blanchies à la chaux ou des dalles de pierre polies par les années.
On y rencontre aussi des amateurs de terra cota et si on en croit l’architecte Octavio Mendoza, qui ouvre son extravagante maison à la visite, on a devant soi « le plus grand morceau de poterie au monde » !
Construit exclusivement à la main avec de l’argile cuit au soleil, Mendoza s’est habilement lancé dans un projet un peu fou mais qui marche !
Le bâtisseur de centres commerciaux et d’églises a décidé dans ce qu’il appelle « un projet de vie » de démontrer comment le sol peut être transformé en une architecture habitable en utilisant simplement les ressources naturelles à portée de main.
Dans un univers de verdure la casa terra cota se tient fièrement debout sans une once de ciment ni un soupçon d’acier !
Belle performance pour cet habitat tendance qui offre toutes les commodités « modernes » dans une démonstration chère au militant environnementaliste colombien qui aime à déclarer :
« …Pensez-y de cette façon. Dans des lieux déserts (qui existent sur toute la planète), le sol est parfait pour ce type d’architecture.
Cela signifie que, pour toutes ces régions, un tel système pourrait apporter des logements à des millions de familles… »
Villa de Leyva hors saison est bien agréable, on y flâne sans souci dans ses ruelles figées par le temps.
Air vif et frais, en général pas de chauffage dans les chambres mais épaisses couvertures sur les lits.
Éviter les restos de la Plaza Mayor rompus à servir les gringos, préférer les posadas à l’écart où l’on accompagne le délicieux mondongo colombiano d’une limonade naturelle à base de citron vert et de panela !
Ah, j’oubliais !...
Une dernière chose concernant le mondongo :
Végétariens s’abstenir !
Dans une large et profonde écuelle arrivent bien grasses et fumantes de succulentes tripes comme autrefois…
Le riz blanc et l’avocat accompagnent cette soupe de montagne.
Fabuleux, enfin... pour ceux qui aiment !
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