Cuba 3, Cienfuegos la prospère....
Cuba 3,
Cienfuegos la prospère !
« La crise des années 90 a servi à nous convaincre que nous ne sommes pas tous égaux et que le monde se divise entre ceux qui ont de l'argent et ceux qui n'en ont pas.
Comme toujours et partout.
Peu à peu nous ressemblerons aux pays normaux : celui qui a de l'argent s'en sort bien, celui qui n'en a pas est baisé.
Cette foutue normalité ne surprend plus personne. Ce sont les changements qui surprennent, l'incertitude du point de bifurcation, tu ne crois pas ? » …
« La Havane année zéro » de Karla Suárez (Extrait.)
Le hayon grogne à l’ouverture du coffre, nous déposons les sacs sur des caisses à outils et quelques objets éparses qui savent tout du bricolage cubain.
Le jeune chauffeur ouvre la porte arrière pour Marie car il faut maitriser une technique certaine pour rendre docile ce genre de carrosse.
Les touristes ne savent pas s’y prendre !
La vieille Américaine est peinte en noir, au pinceau, ça laisse des traces !
Je suis à l’avant, solidement enfoncé dans le large siège qui a dû en supporter des culs !
Le bruit du moteur ressemble à celui d’un vieux tracteur ;
« elle est vieille ! » me dit le jeune Cubain,
« c’est une Ford de 56, mais ça marche ! »
Je lui glisse que moi et son tank avons le même âge!
« sesente anos ! verdad? » ajoute-t-il dans un éclat de rire.
On traverse l’ouest de la Havane, en chemin discussion aidant, je lui demande s’il aimerait aller à l’étranger.
« Claro que si ! » me répond-t-il, rieur derrière ses Ray Ban dernier cri.
Il ajoute que c’est le rêve de tous les Cubains.
Veut-il nous faire plaisir en citant l’Italie, La France mais pas « Los Estados Unidos » ?
On n’en saura pas plus, déjà l’antique Ford cahote sur les nids de poules à l’entrée de la gare routière des bus « Viazul », le bus pour Cienfuegos nous attend.
Le bus emprunte une large route en bon état qui descend vers le sud, on roule sur « l’Autopista Nacional », une route monotone bordée de conséquentes parcelles de cannes à sucre.
Cuba c’est le pays du sucre ! Les Cubains aiment le sucré !
La douceur de l’azucar pour peut-être résister à
« la douleur du dollar » (Zoé Valdes).
Quelques fermes d’Etat (Coopératives) laissent pâturer vaches et chèvres, mais ce que l’on perçoit le plus, ce sont ces vastes étendues en friche qui échappent à toute exploitation agricole. Faute de mécanisation sans doute.
À l’approche de Cienfuegos nous longeons la mer, au loin on aperçoit ce qui ressemble à un terminal pétrolier.
Des constructions industrielles rappellent que la ville connait un certain essor, refusant de stagner dans une économie moribonde.
Le port de pêche abrite une flottille de bateaux qui capture la crevette dans la Baie des Cochons.
En pénétrant dans la ville natale de Benny Moré , le Prince du Mambo, disparu en 1963 et semble-t-il toujours irremplaçable dans le cœur des Cubains, on sent, venu du littoral le souffle frais bienfaisant qui balaie les rues chaudes de Cienfuegos.
La ville est tranquille.
Bien qu’elle soit très éloignée de l’ « Oriente », les Cubains la baptisent « Perle du Sud ».
En 1819, des colons Français, « soucieux » d’accroître la population blanche sur l’île fondent la ville.
C’est Louis de Clouet, qui à la tête d’une quarantaine de familles blanches venues de La Nouvelle Orléans, de Philadelphie et Bordeaux, imprimera un caractère architectural très Français à la cité maritime.
Le Paseo del Prado qui devient Malecon dans son prolongement rectiligne venu mourir dans la baie à Punta Gorda, constitue la plus longue artère de Cuba.
Au début du XIX ème siècle, un trottoir était réservé aux blancs, les autres marchaient en face.
De magnifiques maisons coloniales, de somptueux édifices néoclassiques, témoins de la prospérité des fortunes amassées par les négociants du sucre de l’époque, bordent cette artère longue de trois kilomètres.
Au bout du bout, à la pointe, un petit parc, un kiosque oublié et un barnum apportent la récompense au marcheur :
On y boit le meilleur mojito de Cienfuegos parait-il !
Il est à peine midi, la chaleur alourdit le pas mais le tintement des glaçons dans les verres glacés nous dérouille les jambes !
Le barman, qui a des mains de mécanicien, (il faut faire plusieurs métiers Cuba !) exécute une démonstration dans l’élaboration des cocktails.
Il est véloce, pile la menthe, trait de miel, plonge dans le congélo mangé par la rouille à la recherche des glaçons, long trait de citron, belle dose de rhum, soupçon d’eau gazeuse, il touille, ajoute une branche de menthe pour la déco !
Nous sommes d’accord, c’est le meilleur mojito de la province devant une baie splendide !
Le cœur de Cienfuegos affiche une succession de palais, théâtres, églises, hôtels Art nouveau aux tons pastel magnifiés au soleil couchant.
L’hôtel de charme (traduisez de Luxe) « la Union » offre un toit terrasse où il fait bon boire un verre et découvrir la ville.
L’ascenseur ne monte pas jusqu’en haut.
Au dernier étage, pour bénéficier du point de vue, il faut emprunter un petit escalier et suivre l'indication :
"Mirador"
à la terrasse les Allemands étaient nombreux !
À cent lieues des rues dégradées de « centro havana », Cienfuegos est une ville très propre, de nombreux magasins privés sont parfaitement achalandés.
Aucun soucis pour s’approvisionner…Du moins quand on a de l’argent.
La double économie semble parfaitement fonctionner.
Probablement pas pour tous les Cubains. Une classe moyenne émerge faisant voler en éclats le sacrosaint principe d’égalité.
Cienfuegos est classée au patrimoine mondial de l’Unesco.
Un partenariat est en cours avec la municipalité de Saint Brieuc pour un projet de traitement des déchets.
De nombreux voyageurs font l’impasse sur cette ville.
Elle mérite qu’on s’y attarde .
Nous avons bien aimé !
Septiembre 2015, año 57 de la révolucion…
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