Le Ranquet en Vadrouille...Carnet de route.

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Cuba 6, Santiago de Cuba capitale de l'Oriente.

Cuba 6,

 

 

 

 

Santiago de Cuba capitale de « l’Oriente ».

 

 

 

 

« Cuba donne le sentiment que la couleur de peau n’est pas un élément de description pertinent, tant il existe de nuances.

 

Cette impression d’avant-garde du monde, de mixité absolue, n’empêche pourtant pas les racismes persistants.

 

La révolution de 1959 a proscrit toute forme de discrimination (…) mais  les « non-Blancs » sont les classes sociales les plus démunies ».

 

 

« Cuba », les guides de l’état du monde :

 

Sara Roumette   (La découverte)

 

 

 

En arrivant dans l’Oriente sous une chaleur impitoyable, (Santiago parece Africa !), nous  débarquons aux portes d’un Cuba rural et éloigné (oublié ?) du pouvoir central de La Havane.

 

 

 

Santiago de Cuba, rivale de la capitale, cultive sa différence et hypnotise les touristes enfumés par la pollution ambiante dans l’impossible étouffoir de la ville portuaire.

 

 

Seuls les violents orages naissant sur les massifs de la Sierra Maestra apportent en fin de journée un semblant de fraicheur.

 

C’est l’heure où le bleu des Caraïbes se fait gris, où le soleil rasant accentue le romantisme du parque Cespedes ;

 

C’est le bon moment  pour  somnoler sur le toit- terrasse de l’hôtel Casa Granda  devant un mojito ou une pinacolada !

 

 

La musique Cubaine n’est jamais loin :

 

De la cathédrale « Notre dame de l’Ascension » à la « casa de la trova » toute proche, les musiciens  défilent avec guitares, contrebasses et cuivres.

 

 

C’est ici que Bacardi fonda sa première distillerie de rhum.

 

 

 

Ici aussi, dans les rues étroites et pentues qui mènent au  cuartel Moncada, s’engouffrèrent le 26 Juillet 53, 116 hommes et deux femmes triés sur le volet, partant à l’assaut des troupes de Batista, pour ce qui allait devenir l’un des plus grands coups d’État (raté!) de l’histoire récente!

 

 

L’opération échoua lamentablement.

 

 

 À la tête de l’insurrection, un jeune « Barbudo », encore peu connu à cette époque, évita les exécutions sommaires qui s’en suivirent en s’échappant dans la montagne.

 

Rattrapé par la patrouille  quelques jours plus tard, celui qui allait devenir le « lider Maximo »  fut condamné mais sauva sa tête.

 

 

 

Quelques années après, une nouvelle histoire  de Cuba allait pouvoir commencer.

 

 

 Ce fiasco sera assaisonné à la sauce révolutionnaire comme un fait d’arme glorieux et inoubliable menant à la victoire de 1959.

 

On peut toujours voir les impacts de balles sur la façade de la caserne Moncada.

 

Le mur a souffert, le mur seulement…Pas vraiment des fines gâchettes les barbus !

 

 

Dans les rues fiévreuses et moites de Santiago, s’enracinera la majorité des musiques  cubaines, de la « salsa caliente » au « Son » popularisé par Compay Segundo et le Buena Vista Social Club.

 

 

Une musique noire, métisse, venue d’Afrique et d’Europe, rythmée par les percussions des esclaves Africains.

 

 

Cuba est Noire et Métisse, c’est une évidence ! Pourtant les statistiques officielles du dernier recensement disent le contraire, mais personne n’est dupe :

 

 

« Il y aurait officiellement à Cuba 65% de Blancs, et 35% de Métis et de Noirs. C’est en tout cas comme ça que se perçoivent les Cubains à qui l’on a demandé de se définir lors du recensement de 2002. Les chercheurs penchent quant à eux pour la proportion exactement inverse ! »

 

 

 Concernant la problématique raciale sur l’île, sujet tabou, Sara Roumette  enfonce le clou en ajoutant ceci :

 

 

 

 

« C’est un geste silencieux, mais qui en dit long :

 

on se frotte brièvement l’index de la main droite sur l’avant-bras gauche en regardant ailleurs. De cette façon les Cubains (surtout  blancs) désignent une personne noire, sans prononcer un mot. Dire sans dire, discriminer mais avec discrétion (…) un silence lourd de sens. »

 

 

Le chercheur Cubain Esteban Morales  publie en 2007 une étude intitulée :

 

 

 

« Défis de la problématique raciale à Cuba »  et fait le constat suivant :

 

 

 

 

« L’histoire nationale que l’on nous enseigne à l’école est blanche, les personnages principaux de feuilletons ou de films sont blancs, les présentateurs de télévision sont blancs… »

 

 

Quitte à tenir un bilan comptable à la louche, disons-le clairement,  dans les rues de Santiago (et ailleurs) le voyageur croise davantage de noirs et métis que de blancs.

 

Un sujet qui semble déranger un poil la gouvernance Cubaine.

 

À Santiago, pour la première fois, nous serons accueillis dans une « casa » tenue (très bien tenue, comme toujours !) par deux femmes noires.

 

 

La chambre est modeste, l’air conditionné patine un brin, mais la gentillesse de Ruth et Mariella compensent largement un confort basique.

 

 

 

Nous sommes dans le quartier populaire dominant le port, à quelques minutes de marche du centre historique qui concentre l’essentiel des visites à ne pas manquer.

 

 

Tard dans la soirée, des enfants s’emparent de la rue mal éclairée et jouent au base-ball.

 

J’attendais ce moment propice, l’occasion de faire des modestes cadeaux à des gamins qui ne demandent rien. Acharnés au jeu, trois minots interrompent leur partie à notre passage, la balle cahote à nos pieds.

 

 

 

La «pelota » n’a plus d’âge, réparée sommairement, bourrée  de chiffons pour lui donner un semblant de rebond, elle a bien vécu !

 

On les invite à nous suivre à la « casa » toute proche en leur disant qu’on a des « pelotas nuevas »!

 

Un peu hésitants, ils cheminent derrière nous à distance, le plus grand me dit qu’il sait où nous logeons, ici tout se sait.

 

 

Des adultes, assis sur les seuils des portes grandes ouvertes, s’enquièrent de savoir si les enfants ne nous importunent pas.  

 

Nous les rassurons, c’est bien nous qui les invitons !

 

 

Les trois gamins  patienteront  dehors, le temps de fouiller dans mon sac à la recherche de trois « pelotas » neuves achetées chez Décathlon.

 

À la vue des balles encore sous blister, leurs yeux s’illuminent:

 

Une à une je balance les « pelotas » immédiatement capturées avec grande agilité.

 

Tous les trois détalent au fond de la rue en lançant les balles en hauteur pour dans un geste technique, sans faute, les récupérer parfaitement!

 

 « Gracias, gracias », les remerciements résonnent dans la rue sombre, les adultes assistent à la scène sourires entendus.

 

 

Le lendemain, de bonne heure pour éviter la chaleur, nous hélons un bici-taxi pour qu’il nous mène au Cementerio Santa Ifigenia.

 

De nombreux héros de l’Histoire Cubaine reposent dans ce très beau cimetière aux allées de marbre blanc.

Une tombe nous intéresse  un peu plus :

 

C’est la sépulture de Compay Segundo.

 

 

À l’entrée du cimetière, sous une arche monumentale assurant l’ombre pour la journée, se tient une tigresse lourdement maquillée qui agite un carnet de tickets qui n’a rien à voir avec une tombola locale !

 

Armée d’ongles manucurés surdimensionnés, tellement longs qu’on pourrait y inscrire « viva fidel », (Y Raùl también !) la bougresse nous demande 3 Cuc (Pesos convertibles) pour entrer chez les morts !

 

3 Cuc pour nous deux ? « Ah, no no señor, 6 Cuc por los dos ! »

 

Après une argumentation en règle et une tentative de corruption (3 Cuc pour 2, porqué no ?) la cheftaine ne veut rien savoir, elle débute sa journée, parait en pleine forme et reste campée sur sa position.

 

 

Nous allons refuser de céder à cette exagération qui a l’odeur de l’arnaque.

 

(Le salaire moyen d’un Cubain oscille entre 25 et 40 Cuc, c'est-à-dire 25 à 40 Euros, un médecin serait officiellement payé 70 Cuc, la plupart d’entre eux possèdent des « casas » qu’ils louent aux touristes).

 

Nous ne verrons donc pas la tombe de Compay Segundo !

 

Mais, bien des occasions nous seront données d’écouter sa musique !

 

D’ailleurs, dans l’esprit Cubain, Compay et le Buena Vista sont toujours vivants !

 

 

Octobre 2015, año 57 de la révolucion…

 

 

 

 

 



08/11/2015
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