Ethiopie 22, Le Nil, un barrage, des prisons et des questions...
Ethiopie 22, Le Nil, un barrage, des prisons et des questions…
S’il fallait définir l’Éthiopie en quelques mots, s’il fallait traduire nos sentiments sur ce pays, du moins sur les régions où nous avons déambulé, en bref, si nous devions qualifier notre vadrouille, je n’ai pas trouvé d’autre formule que dire :
« L’Éthiopie, c’est quelque chose !! »
Nous n’avons forcément qu’une vision partielle (pour ne pas dire partiale parfois) d’une nation si vaste et si pluriculturelle :
Un pays si grand, des « nationalités » si différentes, des langues si diverses, un calendrier unique au monde, une pendule qui calcule l’heure en fonction du lever du soleil, un alphabet pour spécialistes, font de l’Éthiopie une contrée de la planète aux dimensions et à l’originalité rencontrées nulle part ailleurs !
Ce voyage que nous avons voulu au plus près des Éthiopiens, ne suffit pas à prétendre « connaitre » l’Éthiopie.
Tout au plus, nous en avons un aperçu.
Un peu plus de deux mois sur ces hauts plateaux dominant la corne de l’Afrique nous ont conforté que l’Éthiopie n’est pas un long fleuve tranquille.
Si les caravanes de sel semblent être en dehors de l'agitation, plusieurs régions sont en ébullition.
l'Ethiopie doit faire face à de nombreux défis, tant interne qu’à l’extérieur de ses frontières.
À la veille des fêtes de Noël du calendrier Orthodoxe (dimanche 7 janvier) le gouvernement aurait décidé de libérer des prisonniers politiques :
Sur les réseaux sociaux qui viennent à nouveau d’être accessibles, cette annonce fait l’effet d’un coup de tonnerre dans le ciel politique du pays.
Joie et surprise chez les opposants, rapidement tempérées par le flou entretenu par les intentions réelles des dirigeants.
Pour couper court à toute interprétation et traduction hasardeuses du texte en langue amharique annonçant « la bonne nouvelle », le bureau du premier ministre a été contraint de publier un communiqué en Anglais où le terme de « prisonnier politique » a disparu.
Les conflits inter-régionaux déchirent le pays depuis des mois…
Point de vue d’Henri De Monfreid dès 1933 : visionnaire !
« …Les migrations selon les saisons sont une question de vie ou de mort pour les peuplades qui doivent suivre les pluies pour nourrir leur troupeaux.
C’est un exemple frappant de la faute commise en traçant les frontières coloniales d’un coup de crayon sur les vagues cartes de ce pays dont on ignore tout de la vie économique... »
Henry De Monfreid, le drame éthiopien, 1933.
Des morts par centaines, des prisonniers politiques par milliers ! Plus de huit mille selon « Human Rights Watch » (*)
Seuls les singes geladas sont parfaitement libres sur les monts du Siemen !
(*) Source : RFI publié le 04/01/2018
À l’extérieur de ses frontières l’enjeu est tout autre…l’Éthiopie occupe une position déterminante dans la gestion et le contrôle du château d’eau du bassin versant du Nil.
Le fleuve mythique, ici le Nil bleu, fait l’objet de toutes les convoitises :
Synonyme de richesse pour ne pas dire de « survie », le plus long fleuve du monde alimente onze pays du Burundi à l’Égypte.
Le Nil bleu, qui prend naissance dans les montagnes d’Éthiopie, rejoint le Nil blanc à Khartoum pour ne devenir qu’un, le Nil qui traverse le Soudan et l’Egypte avant de se jeter en Méditerranée.
Un accord sur la répartition des eaux élaboré par le colonisateur britannique en 1929, amendé en 1959 par l’Egypte et le Soudan, concédait 55,5 milliards de m3 à l’Égypte et 18,5 milliards de m3 au Soudan (l’Ethiopie était absente de cette négociation, merci les Anglais !)
Les deux pays s’accaparaient 87% du débit du fleuve et une clause accordait à l’Égypte un droit de veto sur tout projet de barrage en amont du fleuve.
Une situation que les pays d’Afrique de l’Est jugeaient inéquitable et qu’ils tentent de modifier depuis plus de dix ans.
Voilà donc les termes de l’enjeu posés !
Le Nil devra être partagé :
En mai 2010, à l’initiative de l’Éthiopie, un nouvel accord sur le partage des eaux du Nil est validé en l’absence du Burundi, du RD Congo et malgré l’appel au boycott de l’Égypte et du Soudan…
L’Égypte, plus que jamais, s’accroche à un droit ancien qu’elle considère inaliénable.
Derrière cette proposition éthiopienne, la vision d’une modernité en marche, la création d’un méga barrage sur le Nil bleu dont les travaux débutés en 2011 sont en passe d’être achevés.
On le nomme indifféremment barrage de la Renaissance ou barrage du Millénaire.
(Inauguration prévue en 2018)
Les négociations en cours portent sur la vitesse et la durée de remplissage de l’énorme réservoir :
l’Égypte souhaiterait vingt années alors que l’Éthiopie a prévu dix ans pour mener à terme le remplissage.
Si le choix d’Addis Abeba s’imposait, le débit du Nil serait diminué de 10%, une situation difficilement acceptable pour l’Égypte qui voit sa population croître régulièrement. Idem pour l'Ethiopie!
Côté égyptien, évidemment ça coince, surtout que les travaux du barrage, entourés du plus grand secret, ne permettent pas (soi-disant) un réel calcul de la rétention d’eau :
Le lac de rétention du « barrage du millénaire » serait plus profond que prévu (63 milliards de m 3) ce qui inquiète l’Égypte :
plus la capacité du lac est grande, plus le débit du Nil sera affecté en aval.
Les politiciens Égyptiens (qui semblent se prendre encore pour des pharaons !), menacent tout simplement en cas de conflit, de bombarder l’ouvrage une fois fini !
Mais les Éthiopiens, pas nés de la dernière pluie, ont habilement manœuvré :
Le premier ministre, Meles Zenawi (disparu en aout 2012) a signé un accord concédant la concession de 50 ans de location d’immenses terres agricoles autour du barrage…
à Qui ?
A Israël ! Excellent coup de poker !
L’Éthiopie étant le berceau historique des juifs Noirs, les Falachas, le soutien d’Israël parait évidemment acquis avec l’appui du grand frère « America ! »
Demain un autre voyage s'annonce...Nous passerons la frontière (en principe! ) pour entrer au pays des pharaons Noirs.
Nous partons à la découverte des confluences du Nil Bleu et Blanc, à Khartoum.
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