Le Ranquet en Vadrouille...Carnet de route.

Le Ranquet en Vadrouille...Carnet de route.

Rwanda 3, Madja, portrait, guide sur le Congo Nile Trail .

Madja, guide sur le Congo Nile Trail.

 

 

 

 

« Quand Satan a proposé les sept péchés capitaux aux hommes, l’Africain a tiré la gourmandise et la colère ».

 

 

Extrait de  « La stratégie des antilopes » de Jean Hatzfeld chez Points Editions, septembre 2008.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Madja:

 

 

« Moi…Je suis un mixte »...

 

 

 

 

C’est ainsi que se définit Madjaliwa, Rwandais de 37 ans, cameraman indépendant et guide pour « zumgus » sur les longs sentiers du Congo Nile Trail.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

De maman Congolaise et de papa Tutsi, Madja  appartient à la communauté des rescapés du génocide de 1994 .

 

 

« j’ai le profil Tutsi... » dit-il.

 

 

 

Pourtant on nous l’a bien dit, il n’y a pas de profil Tutsi ou Hutu tant les communautés se sont mélangées et unies par le mariage.

 

 

 

« …ma sœur aussi avait le profil Tutsi… bien sûr,…ils l’ont tué, c’était à Kigali…avec son mari et les enfants… »

 

 

Madjaliwa signifie  « Amour de Dieu » en Kinyarwandais ;

C’est peut-être le Bon Dieu qui a protégé  Madja de la colère destructrice qui s’est abattue sur le Rwanda à cette époque.

 

 

 

Ou alors, demeurant à Ruhengeri, peu distant de de Goma au Congo, c’est l’immédiate proximité de la frontière encore ouverte qui  lui a permis de fuir avec sa famille, balluchon sur le dos et laissant le reste aux voisins qui ne les aimaient plus.

 

 

Son petit frère a eu moins de chance, il avait 15 ans en avril 94 quand il est parti chercher du sucre dans le quartier où tout le monde se connait.

 

 

La maman lui a demandé de faire vite.

Il n’est pas revenu.

 

Madja a rencontré l’assassin de son petit frère qui a pu "réfléchir" en détention durant sa pénitence de douze années pour plusieurs meurtres.

 

 

Madja a voulu savoir pourquoi il a fait ça ? 

 

 

C’était un voisin.

Il lui a répondu qu’il n’aimait pas les Tutsi, il regrette et demande pardon.

 

 

Madja  parle avec calme et pondération, jamais il ne s’emballe, il pèse ses mots, choisit la bonne formule, manie l’humour et s’interroge sur l’avenir du Rwanda.

 

 

 

 

 

 

 

 

Durant les quatre jours de trail (...et les soirées à discuter !) notre guide nous aura appris beaucoup sur le fonctionnement du Rwanda et des Rwandais.

 

 

 

Il n’a éludé aucune question, parlant de la foi en Dieu par exemple.

 

 

 

Ici, il est plus facile d’évoquer librement les heures sombres du Rwanda que d’annoncer son doute envers l’Eglise.

 

 

Pourquoi la croyance en Dieu, l’amour de Dieu, n’ont-ils pas servi  de remparts aux comportements génocidaires ?

 

 

Madja nous ne dit pas qu’il s’éloigne peu à peu de l’Eglise, pourtant il confie à Marie, que ses deux enfants ne sont pas (encore) baptisés, et cela en accord avec Agnès, son épouse, pourtant fille de pasteur protestant.

 

 

« Ça n’a pas été facile d’expliquer ça à mon beau père… » conclu-t-il.

 

Madja et Agnès viennent de construire une maison moderne à Gisenyi avec salle de bains et cuisine au gaz.

Il va bientôt faire un mur de clôture.

Ils ont investi  un peu plus de 10 millions de francs Rwandais (environ 15 000 Euros).

 

 

 

Agnès se rend fréquemment à Kampala en Ouganda, acheter des vêtements pour bébés et jeunes enfants qu’elle revend sur le marché de Gisenyi.

 

 

Le couple a fait le choix de scolariser leur fils aîné en pension à Kampala, afin qu’il puisse bénéficier d’une véritable pratique de l’Anglais.

 

C’est un sacrifice supplémentaire pour le budget familial, mais Madja ne s’en plaint pas, il sait qu’il fait partie des 25% des Rwandais vivant au-dessus de la moyenne.

 

 

Deux fois par mois le père va voir Siva, son fils, au pensionnat à Kampala.

 

 

 

Madja prend le bus de 16 h qui roule toute la nuit et arrive à 6 h du matin dans la capitale Ougandaise.

 

 

Notre guide aime le vélo, adore le Tour de France qu’il ne rate pas à la télé.

 

 

C’est comme cela qu’il a découvert  les paysages de France et "les routes bordées de belles maisons…"

 

 

Il a fait quelques compétitions locales également, mais son faible volume d’entrainement et la qualité médiocre de son vélo ont rapidement mis un terme à ses ambitions de cycliste !

Il a conservé ses maillots qu’il porte durant le trail.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Comme tous les Rwandais, il est fan de foot et plus particulièrement respecte l’équipe  de France, surtout celle de 98 avec Zidane.

 

 

Madja et Agnès suivent l’actualité Française grâce à RFI et France 24.

 

 

Evoquant le futur du Rwanda, on le sent lucide et inquiet sur les années à venir :

 

Comment nourrir  11 millions d’âmes, davantage demain, sur une telle petite superficie ?

 

Dans ce petit pays, comment donner une place à chacun sur ces collines ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 Déjà, les vaches doivent rester à l’étable pour libérer des pâturages convertis en champ de pomme de terre ou de maïs.

 

 

Les exploitations rétrécissent à mesure que la population du pays se densifie.

 

 

Alors, pourquoi le gouvernement accorde-t-il généreusement des baux de longues durées bradés aux Chinois, privant ainsi le paysan Rwandais d’indispensables terres ?

 

 

« Il y a plein de problèmes…Des choses qui ne vont pas dans ce pays…C’est pas facile…Ceux qui savent se taisent…Mais on a le droit de rien dire... » soupire Madja.



03/10/2012
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi