Burundi 3 ,"Etre femme au Burundi..."
« Célébration de la journée internationale de la fille »
Bujumbura, 11 octobre 2012, Première édition.
« Ma vie, mes droits pour éradiquer les mariages précoces »
Les femmes représentent plus de la moitié de la population Burundaise, elles accusent un grand retard au niveau de l’éducation.
Contrairement à ce qu’affirme le gouvernement, (gratuité de l’enseignement) la scolarisation des enfants, et des petites filles en particulier, reste un enjeu majeur dans ce pays.
Pour aller à l’école il faut de l’argent, il faut pouvoir s’habiller correctement, il faut payer le maitre…
Des militantes des droits de la femme tentent de sensibiliser la population et les « décideurs » sur cet énorme défi parmi les immenses manquements en tout genre au Burundi.
Béatrice Nijebariko est coordinatrice du Forum des Educatrices Africaines pour le Burundi.
Dans une interview publiée par « Afriquinfos », elle dénonce cette condition féminine en déclarant :
"Naître femme au Burundi s’apparente à une mauvaise récolte"
Morceaux choisis en italiques :
Comment expliquer la faible présence des filles dans l'enseignement supérieur ?
Cela est lié au retard de la fille au moment de l’accès à l’école. Chez nous, l’école a été en premier lieu masculine. Elle a été introduite par des moines qui n’étaient pas tellement sensibles à la dimension « genre » de l’éducation.
C’est aussi lié à la culture burundaise qui, malheureusement, dégrade la femme dans le langage, les pratiques et coutumes. Il y a ainsi des proverbes, des chansons dont le contenu est humiliant pour la femme.
Déjà à la naissance, on est curieux de savoir si on a mis au monde un garçon ou une fille. Au niveau de la culture burundaise, le garçon jouit de plus de considération que la fille puisqu’il est l’héritier, le centre de la prolongation familiale.
Cela touche la psychologie de la fille et ses possibilités d’accès à l’école en sont réduites. On donne priorité aux garçons quand les moyens sont limités.
C’est également lié aux spéculations familiales. On se dit que si on scolarise la fille, la « récolte » sera profitable à la belle famille. Cela représente un frein à la fille de faire des longues études. Il y a aussi dans une moindre mesure l’effet de distance qui pousse les mamans à être prudente, à cause de fléaux comme les violences conjugales, l’exploitation sexuelle…
De plus en plus, les familles ont peur d’une éventuelle attaque sur le chemin de l’école.
Il y a aussi les harcèlements sexuels qui empêchent la fille de poursuivre normalement ses études, par exemple les grossesses en cours de scolarité.
Quelles sont les conséquences de cet état des choses ?
Du moment où l’on observe une supériorité numérique des femmes et que, malheureusement, elles ne sont pas éduquées, le sous-développement de l’ensemble de la nation persistera. Généralement, le moyen le plus indiqué pour développer un pays, c’est l’éducation.
L’autre conséquence de taille, c’est le surpeuplement. Moins on est scolarisé, moins on adhère aux nouvelles méthodes de planning familial. Moins on est scolarisé, plus on se marie jeune. Cela entraine un cycle de pauvreté et sous-développement.
Comment sortir de cette situation?
Il faut sensibiliser les pouvoirs publics et la population sur les causes et les conséquences.
Généralement, on croit que la mission éducatrice revient à la seule école. Rien de plus faux. On apprend et on se forme de la naissance jusqu’à la mort.
Il faut par ailleurs élaborer des politiques éducatives à long terme prenant en compte la dimension « genre », éviter de décourager les filles dans la vie de tous les jours, et combattre avec constance les stéréotypes.
Au Burundi, si la vie est très difficile pour le plus grand nombre, les femmes paient une fois de plus le prix lourd et en particulier dans le domaine sanitaire.
Ci-dessous un extrait d’une enquête publiée par France Afrique qui illustre l’état de délabrement du système de soins au Burundi :
Morceaux choisis sur le travail de MSF et handicap International au Burundi… en Italiques :
Au Burundi, avec les «femmes de l'arrière-cour»
Fistule obstétricale. Deux mots disgracieux qui désignent une réalité qui l'est tout autant: une lésion entre le vagin et la vessie qui touche des millions de femmes. Au Burundi, on l'appelle « la maladie de l'arrière-cour », parce que celles qui sont touchées sont aussi exclues socialement. Depuis 2010, MSF les soigne mais la question de la pérennité des soins se pose.
Les patientes d'Urumuri participent à des séances avec un kinésithérapeute pour éviter les complications.
Elle a le sourire large et les yeux brillants qui virevoltent, Cesari Natarutimana.
D'une voix fluette et volubile, elle raconte son calvaire avec le bonheur communicatif de celles pour qui le pire est passé.
A 27 ans, cette jeune agricultrice a eu trois enfants, tous par césarienne. C'est à sa quatrième grossesse que sa vie a basculé.
C'était en janvier dernier. L'accouchement a duré plusieurs heures. L'enfant n'a pas survécu et Césari n'en est pas sortie indemne.
«Quand je suis sortie de l’hôpital, j'ai tout de suite vu que quelque chose n'allait pas : je perdais mes urines, sans pouvoir les arrêter»
Les médecins lui expliquent qu'elle a une fistule obstétricale, une lésion entre la paroi vaginale et la vessie, qui provoque une incontinence chronique.
Ici, au Burundi, on appelle cela «Ingara Yo Mukigo», en Kirundi, la langue nationale.
Les femmes qui en sont victimes subissent souvent, en plus de la maladie, l'exclusion.
Cesari a eu la chance de ne pas vivre ça. Son mari l'a soutenue, dès le début.
Lorsqu'elle a été hospitalisée, il lui a même rendu visite au centre de traitement des fistules «Urumuri» installé par Médecins Sans Frontières en 2010 à Gitega, dans le centre du pays.
«J'étais inquiète, tendue, ça m'a aidé qu'il soit là», raconte la jeune femme qui, désormais guérie, s'apprête à retrouver les siens.
Une mauvaise vie.
Concilia Ntawimenya, elle, a connu «l'arrière-cour».
Lorsqu'elle est arrivée au centre Urumuri, cela faisait 30 ans qu'elle vivait avec une fistule.
Elle avait moins de 20 ans lorsque c'est arrivé. L'odeur qui la suit partout depuis a fait fuir ses proches. Son mari est parti le premier.
Assise dans le dortoir du centre MSF, tandis que les autres entonnent à l'extérieur des chants de bienvenue et d'espoir pour les nouvelles arrivées, elle se raconte :
«Je vivais dans une bananeraie, seule avec ma mère. Elle allait quémander de la nourriture pour moi. Même du sel, c'était dur à obtenir».
Son visage se durcit, ses yeux se figent. «J'ai vécu une mauvaise vie, une très mauvaise vie...», soupire-t-elle.
A ses pieds, une flaque d'urine s'est formée.
Dans son village, seul le prêtre prêtait encore un peu attention à elle.
«C'est lui qui m'a parlé du centre Urumuri», expose Concilia. «Une femme d'une colline voisine y était passée. Elle aussi avait été rejetée, et vivait seule avec ses deux enfants. Quand elle est revenue, elle a retrouvé sa place. Les gens lui faisaient des «yambi» (accolades chaleureuses)... Le prêtre m'a dit «toi aussi, vas-y».
Il n'en faut pas plus pour que Concilia s'inscrive sur la liste d'attente pour le centre Urumuri. En Kirundi, cela signifie, «passer de l'ombre à la lumière».
Fin mai, alors qu'elle attendait de connaître la date de son opération, c'est auprès des femmes guéries qu'elle puisait espoir et courage. «Quand je serai guérie, je serai fière de rentrer».
MSF assure une prise en charge globale.
Plus de 700 femmes ont ainsi été soignées dans le centre installé par MSF au cœur de l'hôpital régional de Gitega. «Pile au centre du pays, pour faciliter le transport des patientes», précise Misato Tamura, la coordinatrice de terrain de MSF.
«Pour repérer les patientes, nous diffusons des spots radios, des affiches, nous faisons passer le message dans les églises», détaille Ruben Potier, coordinateur médical de la mission MSF au Burundi.
Handicap International intervient également, en participant à l'identification et au référencement des cas et en prenant en charge le transport de certaines des patientes.
Le centre Urumuri dispose d'un bloc opératoire dédié et de dortoirs où les patientes sont accueillies avant et après l'opération.
La capacité maximale théorique est de 50 femmes, mais des tentes ont été dressées pour les périodes de grosse affluence.
«Elles peuvent rester deux à trois semaines, voire plus», expose Misato Tamura.
La vie au centre est rythmée par les séances de chants et de danse organisées par Datus Gihugugi, promoteur de santé chargé du suivi social et des animations.
Les femmes guéries participent aussi à des séances de rééducation avec des kinésithérapeutes.
«Il s'agit de les aider à se remettre rapidement et de leur montrer les bons gestes pour éviter d'éventuelles complications», expose la kiné.
Sur les murs du centre, des affiches détaillent les postures à adopter dans le travail, pour le ménage ou la cuisine, afin d'éviter de trop «forcer», et de risquer ainsi de rouvrir une fistule tout juste refermée.
Le jour de l'opération est évidemment très attendu, mais la vraie libération vient le jour où les patientes peuvent enfin se séparer de la sonde et du seau de plastique où s’écoulent leurs urines qu'elles trimballent partout avec elles.
Quid de l’après-MSF?
Pour l'instant, seuls des chirurgiens expatriés, envoyés par MSF pour un à trois mois, opèrent les fistules.
Fin mai, le centre était d'ailleurs en «stand-by», dans l'attente du nouveau médecin.
Et c'est sans doute là le défi majeur auquel le centre Urumuri, bien qu'un modèle d'efficacité immédiate, ne peut répondre pleinement: le manque de compétence et de moyens, sur le plan local, pour assurer la pérennité du traitement des fistules.
MSF, qui prévoit de quitter le centre de Gitega en 2014, s'est fixé pour objectif de former des médecins locaux.
Pour l'instant, seul le Dr Aristide Bishinga s'est lancé. Il est en charge du suivi pré et post opératoire. Il se forme auprès des chirurgiens expatriés de passage.
«Je suis médecin. Venir en aide à tout patient est une évidence. Et dans le cas de ces femmes, qui sont en détresse à la fois physiquement et psychologiquement, c'est encore plus vraie», explique-t-il.
Mais il reconnaît être une forme d'exception: se former sur les fistules n'est pas très attractif pour les médecins burundais.
«C'est une pathologie très complexe à prendre en charge, elle combine beaucoup de disciplines différentes. Et puis il s'agit de patientes démunies, qui n'ont pas les moyens de payer des traitements dans des cliniques privées...»
Dans un pays de 10,5 millions d'habitants qui compte moins de 20 gynécologues, tous concentrés à Bujumbura, un seul d'entre eux, le Dr Déogratias Ntukamazina, est aujourd'hui en capacité de mener les délicates opérations de réparation de la fistule.
Il a été formé par les équipes de Gynécologie Sans Frontières (GSF) qui ont mené des missions ponctuelles entre 2006 et 2011 au centre hospitalier universitaire Kamemge de Bujumbura (CHUK).
Claude Rosenthal, qui a participé à plusieurs de ces missions au cours desquelles 173 femmes ont été soignées, pointe lui aussi la difficile question de la pérennité des actions amorcées par des ONG internationales, y compris GSF.
«L'hôpital de Bujumbura n'a pas de secteur spécifique, adapté à cette chirurgie qui nécessite une hospitalisation longue. C'est l'un des problèmes.
L'autre, c'est la difficulté à trouver des médecins volontaires pour se former », expose le gynécologue français.
En 2009, un «centre référence pour le traitement des fistules» a certes été officiellement inauguré au CHUK de Bujumbura. Mais les travaux prévus pour la construction des locaux dédiés n'ont toujours pas démarré…
Ainsi va la vie au Burundi.
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