Le Ranquet en Vadrouille...Carnet de route.

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Viet Nam 2 Bis, May, guide Mhong, 30 ans, trois enfants, veuve..

May, guide Mhong, 30 ans, trois enfants, veuve…

 

 

" Le voyage est un défi pour nos croyances et nos convictions ; il appuie là où ça fait mal et c'est tant mieux ; car pour ceux qui ressentent la douleur passagère c'est déjà le signalement d'un mieux-être. Changer de lieu et de climat ne suffit pas, il importe de changer de temps et de mentalité, de s'immiscer dans la culture de l'autre sans renier pour autant la sienne, de se frotter à l'ailleurs sans perdre de vue d'où l'on vient, se rendre disponible à tout et se mettre à écouter le bruit du monde sans en altérer ni le son ni l'harmonie. Le voyage, école buissonnière de la vie, promeut une éducation plus sensible que normative. Le voyage ne forme pas que la jeunesse, il permet à tous de réapprendre à désapprendre. Pour mieux comprendre, pour cesser de prendre."

 

Franck Michel
Extrait de "L'autre sens du voyage"

 

Portrait :

 

Au matin elle brosse longuement sa  chevelure; Ses longs cheveux noirs tombent à la hauteur de ses genoux.

Comme beaucoup de femmes Mhong*, May, depuis son plus jeune âge, n’a jamais coupé ses cheveux. Elle les  enroule en chignon qu’elle maintient à l’aide de barrettes et de peignes argentés.

 

Elle sourit…Tout le temps elle sourit!

 

Enfant, elle dévalera les sentiers boueux qui quadrillent les rizières menant à l’école du village : elle apprendra le Vietnamien à l’âge de cinq, six ans.

Elle le comprend parfaitement, mais s’aide de son index pour suivre et lire les lignes du journal de Hanoï…

 

La langue Vietnamienne lui a été imposée comme à toutes les minorités des montagnes.

 

May n’apprécie guère les Vietnamiens trop souvent méprisant à l’égard des Mhongs…

 

Elle reconnait toutefois que la vie est maintenant moins difficile que par le passé; le gouvernement développe des programmes de modernisation et d’éducation dans les tribus montagnardes.

 

Depuis que les cars de touristes déversent les vacanciers en short et chapeau de paille venus fixer sur la caméra le marché de Sapa ou de Baca le temps de quelques heures, les redoutables vendeuses que sont les Mhongs et Dhao ont appris à manier la langue anglaise de façon remarquable.

 

May parle un très bon Anglais qu’elle dit avoir appris au près des touristes…Elle s’amuse de quelques phrases de Français…

 

Elle apprend vite ; elle nous surprendra par sa capacité à retenir des expressions françaises une seule fois entendues lors du repas en commun, qu’elle placera clairement le lendemain et au bon moment…

 

Nous sentons son énergie et son attitude volontaire…On devine cette petite femme intelligente!

 

Son regard pétille.

 

May a 18 ans à peine lorsque son oncle lui présente Lù, un garçon Mhong de deux ans son ainé.

Lù venait du village voisin, d’une famille trop pauvre pour  pouvoir exiger une dote de la part des parents de May.

 

May ne voulait pas se marier à un inconnu…

 « …non, je voulais pas » rit elle maintenant…

 

May apprendra à connaître patiemment celui qui  deviendra le père de ses enfants ; Lù découvrira peu à peu la jeune fille vierge qui sera son épouse et la mère de ses enfants.

           

Sinh, un garçon, arrivera deux années après le mariage ; Puis viendra trois ans plus tard pour combler le jeune couple, Mao Ly une petite sœur.

 

Tandis que May saisit sa chance au près des étrangers conquis par la beauté de la région, Lù travaille au champ, et comme beaucoup d’homme Mhong, se charge aussi des tâches ménagères…

Se sentent-ils dévaloriser ces hommes, retenus au foyer ou dans les rizières, éloignés des contacts avec les touristes?

Quel regard portent ils sur la soudaine mutation des femmes Mhongs devenues expertes en vente de souvenirs et ramenant les billets verts au village?

 

 « C’était un bon mari, il s’occupait bien de nos enfants… »  Rapporte-t- elle…

 

May est enceinte de quatre mois lorsque son mari Lù part en forêt couper du bois qui servira à construire la nouvelle maison du couple qui voit la famille s’agrandir.

 

Le soir Lù ne rentre pas… Il aura dû être surpris par la nuit et décidé de trouver le gîte dans un abri de bambous…

 

Les beaux yeux noisette et rieurs de la jeune femme se voilent et s’embuent lorsqu’elle évoque ce songe…Ce n’est peut être qu’un mauvais rêve…Sous  l’émotion, les paupières de May se gonflent, mais les cils retiennent ses larmes…

 

Le lendemain Lù n’apparaitra pas…

 

Au village on sait déjà que Lù est parti rejoindre les esprits…Loin, au-delà des montagnes qui se parent d’un bleu sombre en cette fin d’été.

 

Coincé dans un trou d’eau au détour d’un méandre de la rivière, on retrouvera deux jours plus tard son corps flottant, accroché par des branchages clapotant autour d’une solide souche.

 

En traversant le torrent le jeune homme aura glissé sur la roche luisante, lavée par les eaux généreuses du Muang Hongui qui court depuis la Chine… Son crâne s’est fracassé sur la pierre, ne lui laissant aucune chance de revoir May…

 

Quelques semaines plus tard May donnait le jour à un beau garçon : Bich Dào.

 

Depuis, May, entourée de ses parents, se consacrent à ses trois enfants…

« …ils iront à la grande école…à Lao Cai…peut être à Hanoï… »

 

May n’a jamais découvert un autre horizon que les terrasses de Sapa…Elle n’a jamais été à Hanoï éloigné de son village de près de 400km…

« …j’irais un jour…avec mes enfants…plus tard… »

 

De l’autre côté de la montagne, les hommes Chinois sont en quête de femmes. May pourrait avoir des propositions de remariage, mais elle n’y songe pas ; Elle vit, sourit, fait des projets et construit son futur autour de ses trois enfants.

 

Quelques jours après notre séjour autour de Sapa, nous ferons la connaissance de Mimi à bord du bateau qui croisera en mer de Chine dans « Bai Tu Long » : Mimi est originaire du même village que May et travaille aussi en tant que guide dans la baie d’Along.

 

Elle connait bien May, les deux jeunes femmes s’apprécient.

 

Nous lui faisons part de notre bonheur d’avoir rencontré May durant le trek en montagne et évoquons la difficulté de son veuvage avec ses trois enfants…

 

Mimi connait les tracas de son amie et nous lance tout à trac : « …c’est peut être mieux comme ça…May est heureuse je pense… »

 

Mimi nous révélera une disparition de Lù  moins « romantique » que dans l’esprit de May…

 

La jeune épouse, enceinte de son troisième enfant, n’a sans doute pas voulu ternir l’image d’un père frivole qui abusait trop d’alcool de riz et trop souvent…

 

Ce jour là, Lù est bien parti chercher du bois en forêt, mais il s’est longuement attardé au cabaret…lorsqu’il lui a fallu traverser les eaux vives de la rivière, il n’avait plus la lucidité nécessaire pour affronter le danger…

 

Au village personne n’a souhaité contrarier la vision de May qui attendait le retour de son compagnon.

C’est sans doute mieux ainsi.

 

May est une jeune femme formidable, un personnage d’exception!

 

Nous étions sous le charme, nous l’avons beaucoup aimé ; C’est un moment fort de notre séjour au Viet Nam!

 

* Hmong ou Mhong, deux orthographes  possibles.

 

 

  

 

 

 

 

 



15/02/2013
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