Equateur 12, coup de chapeau...et clap de fin!
Equateur 12,
Coup de chapeau... Et clap de fin !
La route en zigzag qui mène à Sig-sig (facile !) est pentue.
Comme les marques d’une lame tranchante sur une orange que l’on pèle au couteau, les lacets découpent les flancs de la montagne.
L’antique bus semble hésiter à grignoter les raidillons, 25 à 30 à l’heure de moyenne pour atteindre le village andin dressé sur les ruines d’un pueblo indien d’avant la période coloniale.
Nous sommes les deux seuls touristes à bord.
Il est tôt ce dimanche matin, des paysans en grappe patientent sur le bas-côté de la route et le bus se garnit au fil du chemin.
En famille, chargés de larges paniers d’osier, ils vont vendre, acheter, échanger, espérer quelques menus pesos de leurs produits qu’ils proposeront au marché dominical de Sig-sig.
Après l’imposant marché d’Otovalo visité il y a plus d’un mois, nous découvrons, dans une formule beaucoup plus authentique, un lieu de négoce très local et sans fioriture.
Nous n’y venons pas au hasard, Sig-sig détient une notoriété toute particulière, une renommée qui a traversé les continents sans que l’on sache que ce modeste village respire, palpite, foisonne au son discret du tressage de la paille.
Pas n’importe quelle paille !
Une paille issue des feuilles d'un palmier d'Amérique du Sud appelé "paja toquilla" qui ne pousse que sur la côte équatorienne entre 100 et 400 mètres au-dessus du niveau de la mer.
Certains ont tenté de le faire pousser ailleurs, ça n’a jamais marché !
Une paille qui vaut de l’or :
Pas pour les mains calleuses et parcheminées des vieilles paysannes qui tressent toujours, pas plus pour les doigts fins des plus jeunes qui s’y sont attelés, mais une valeur sûre pour le commerce en cravate des produits haut de gamme exposés en boutiques de luxe du monde entier !
Le dimanche à Sig-sig, le marché de la paille brute est florissant.
Les bouquets de paille se déclinent en différentes qualités de finesse.
Le prix de vente de la matière première est dérisoire.
Quatre à cinq bouquets de paille suffisent pour confectionner le fameux sombrero qui bientôt deviendra Panama, le Panama standard, car bien sûr l’appellation se décline en un grand nombre de versions qui va du plus simple au plus rare !
Les grands de ce monde l’ont rendu célèbre :
Frank Sinatra, Humphrey Bogart, Jean Gabin, Winston Churchill, mais aussi Johnny Depp, DiCaprio, Brad Pitt, Kate Moss, Cameron Diaz le coiffent…
Ce fameux chapeau de brins de paille tissés et tressés par des mains équatoriennes est à l’origine d’un malentendu peu commun, l’histoire en a décidé ainsi !
Lorsque débute la construction du canal de Panama (*) les ouvriers venus du monde entier vendent leur sueur sur ce chantier titanesque.
Chaleur tropicale humide, pieds dans l’eau sous un soleil de plomb, les travailleurs portent les chapeaux de paille équatorien pour alléger la souffrance.
Tout le monde va l’adopter, manœuvres, contremaîtres, ingénieurs !
Malgré son origine, son utilisation généralisée sur l’isthme de Panama va lui donner son nom de baptême :
L’appellation Panama est née.
La renommée grandissante du fameux chapeau sera renforcée par les premières exportations depuis l’Equateur vers l’Europe qui transitent évidemment… par le canal de Panama !
A Sig-sig, on ne parle guère du Panama, si les paysans et paysannes le coiffent de manière traditionnelle, on évoque plutôt le sombrero.
Une poignée de connaisseurs, amateurs du beau, recherchent le Montecristi, du nom du petit village de la région de Cuenca où naissent sous des mains habiles les plus réputés des chapeaux de paille !
Immanquable à Sig-sig, le marché couvert avec ses montagnes de fruits, légumes et graines.
Surplombant le hall central, les échoppes de restauration occupent l’étage.
Jeunes et vieux s’installent le temps d’une collation pour savourer, soupes, cochon grillé, poissons.
À table on reste couvert, on ne quitte pas le chapeau !
Sur la route du retour pour Cuenca nous ferons halte chez Homero Ortega, une talentueuse maison familiale qui hisse le « chapeau de paille » au rang d’articles d’exception.
Comme les grands vins ou les cigares exclusifs, chez Ortega on conserve l’excellence dans des présentoirs sous température contrôlée.
Le standard débute à 40 US $, pour un super fino comptez 300 à 400 US $, le supremo dépasse les 1200 US$ et bien entendu on peut passer des commandes personnalisées pour obtenir l’Unique !
Ce n’est pas demain que la maison Ortega sera sur la paille !
Les prix en Europe sont beaucoup plus élevés.
L’Equateur nous a beaucoup donné, ce petit pays mérite bien un grand coup de chapeau !
Demain nous ferons route vers le Pérou, bus de nuit à destination de la côte Pacifique.
Passage de la frontière vers 2h du matin.
(*) Voir Le Ranquet en vadrouille, saison 2, Panama 5, Le canal !
Les dessous du chapeau de paille Panama :
Le Cuenca se différencie du Montecristi par une paille blanchie et également plus épaisse.
Ces caractéristiques permettent un tissage bien plus rapide.
Dans l’univers du chapeau, le Panama est la Rolls-Royce des galurins.
Élégant, très distingué et nécessitant des qualités de doigté pour la fabrication, c’est de l’artisanat haut de gamme.
Entièrement tressé à la main, sa valeur est déterminée par la finesse du tissage.
Chaque fois que la largeur de la paille est réduite de moitié le temps de travail nécessaire est multiplié par quatre !
Un « supremo » Montecristi peut demander plus de deux à trois mois de travail et donc n’a pas de prix !
Un « tissé » serré, une souplesse et une légèreté exceptionnelle, une finition à l’ancienne garantissent un produit hors norme au plus exigeant des clients !
Chez Ortega, on ne manque pas de vous rappeler qu’ « à chaque élévation par deux du facteur de qualité correspond une augmentation par quatre du travail requis ».
C’est aussi la raison pour laquelle un chapeau de grande qualité requiert bien plus de temps de main d’oeuvre.
Comment reconnaître un vrai Panama ?
Pour reconnaître le vrai chapeau traditionnel Panama il faut vérifier la présence d'une rosace au sommet de la calotte.
Dans ce cas, c'est un authentique Panama.
Le véritable chapeau Panama est tissé à la main, il possède une rosace et un tressage unique. Cette rosace correspond au début de l'élaboration du tissage du sombrero.
On peut comparer des chapeaux et leur qualité respective en les orientant vers une source de lumière afin de mieux apercevoir le nombre d’anneaux ou de couronnes différents qui furent nécessaires à l’assemblage du chapeau.
Ces anneaux apparaissent quand de nouvelles bandes de pailles sont rajoutée au tissage.
Cela signifie qu’un nombre plus important de ces "vueltas" résulte en un tissage plus fin et plus serré.
On passera de 3 "vueltas" pour un « Cuenca » de base à 8 pour un « Montecristi » en premier prix alors que l’on passe à 25 pour un haut de gamme !
Les conseils de la maison Ortega :
« Les chapeaux de paille et particulièrement les chapeaux Panama sont réputés pour être indestructibles, certes… mais pas sous un climat européen !
En effet le climat en équateur est chaud mais surtout très humide ce qui facilite sa résistance.
Les fibres, qui ont besoin d’humidité pour rester souples se dessèchent rapidement, surtout quand le chapeau est entreposé dans une maison chauffée.
Donc, avant que vous ne rangiez votre chapeau pendant l’hiver, il fortement conseiller de l’humidifier.
(Ou alors on peut dormir avec ! Porque no ?)
Si vous avez une cave a cigare, il est conseillé de le remiser avec les cigares afin qu’il garde un taux d’humidité lui convenant parfaitement pour sa résistance.
Enfin, pour tout chapeau et surtout les chapeaux Panama il est déconseillé de le prendre par la calotte (par le pointu) mais plutôt par les bords (couronne).
Les chapeaux de Panama allient à la fois légèreté et confort pour se protéger du soleil avec style.
C'est l'indispensable chapeau traditionnel à emmener en vacances en Bretagne, avec votre short et vos lunettes de soleil.
Les chapeaux de Panama offrent à la fois un confort et une fraîcheur incomparables pendant l'été.
Alors, chapeau bas l’Equateur !!!
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