Le Ranquet en Vadrouille...Carnet de route.

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Laos 4, Le chant des gibbons dans la jungle de Bokéo.

Laos 4,

 

Le chant des gibbons dans la jungle de Bokéo.

 

C’est une longue plainte amoureuse…Une succession de cris brefs suivie d’une interminable vocalise qui s’élève au-dessus de la canopée.

L’effet est prodigieux!

 

Dans la cabane silencieuse personne ne souffle mot…Impressionnés, nous sommes tous attentivement tendus vers l’écoute du chant qui parcourt  la jungle blanchie des lueurs de l’aurore.

 

C’est un chant extraordinaire, fascinant, d’une puissance phénoménale…Le vieux mâle noir vient célébrer le soleil qui va vite effacer la vapeur humide voilant la forêt vierge.

Comme drapée dans une robe de moine, la femelle de couleur orangée lance à son tour la réplique à son compagnon.

 

Un fabuleux concert va débuter.

 

Cintrée jusqu’à rompre, la cime d’un bouquet d’arbres se plie ; elle se courbe comme un arc bandé, et brutalement revient à la verticale agitée d’un mouvement de balancier: d’un plongeon vertigineux dans le vide, des gibbons viennent en tournoyant d’accrocher des branches et rejoignent la chorale installée plus bas dans une gerbe de lumière….

Le chant s’amplifie.

Combien de temps ces acrobates vont-ils faire durer le récital?

 

Une lancinante mélodie se propage dans un décor inchangé depuis l’aube du monde; Nous sommes envoutés par le cadeau que nous offre la jungle de Bokéo.

 

J’observe Boulum, le guide Hmong, accroupi prés de moi derrière la balustrade de la cabane.

Il sait la forêt, il y est né, il y vit, il y reste…le village le verra mourir ; Comme ses ancêtres la jungle l’ensevelira.

 

Gamin il a appris à identifier le chant du mâle et la réponse de la femelle; Le spectacle des gibbons, il le connait…

Pourtant ce matin le Hmong contemple les gibbons et écoute leur ritournelle comme si c’était la première fois, pareil au premier jour où il fut ensorcelé par l’aubade!

 

Comme tous les Hmongs qui vivent dans la jungle, Boulum est un chasseur.

 

À Ventiane, les autorités du Laos ont dit qu’il braconnait…Boulum et ses frères chassaient l’écureuil et…le gibbon, pour nourrir la communauté.

 

En 1996, un Français  arrive dans le village de Ban Toup niché dans la jungle de Bokéo. Une nouvelle aventure allait débuter!

 

Jean François Reumaux se passionne pour  cette jungle. Rapidement il fait le constat que chasse, cultures sur brûlis et défrichement mettent en danger la biodiversité.

Le Français vient dans cette région reculée du Nord Laos avec des idées en tête.

 

En 1999, pour observer la canopée, il construit une « maison dans les arbres », une des plus hautes du monde.

Un matin au réveil, Reumaux aperçoit un gibbon qui le regarde avec curiosité. Il filme le primate et fait parvenir la vidéo à des chercheurs Allemands. Sceptiques, les scientifiques lui répondent que cette espèce a disparu.

 

L’histoire de la création de la réserve naturelle de Bokéo peut alors commencer! Reumaux va proposer un projet qu'il baptisera "The Gibbon Experience".

 

Impliquant les communautés résidantes de la jungle qui ont une profonde connaissance de la forêt, le Français développe un vaste chantier arboricole : de nouvelles cabanes sont érigées au-dessus de la canopée, les anciens braconniers seront en charge de la protection de leur patrimoine puis deviendront guides…

 

Les cabanes sont reliées entre elles par un important réseau de câbles long de plus de 7km dominant la jungle. Des tyroliennes ascensionnelles assurent le déplacement parfois à plus de cent mètres au-dessus du vide, garantissant le frisson pour les amateurs de grands espaces…

 

L’exemplarité du projet se voit récompensé en 2008, la réserve devient Parc National de Bokéo et bénéficie de subventions gouvernementales. Aujourd’hui une centaine de personnes travaillent dans le parc : cuisiniers, femmes de ménage, guide, éco constructeurs.

 

« The Gibbon Experience » fonctionne en dehors des agences. A Houé Xai, un modeste bureau reçoit les appels téléphoniques et gèrent les réservations par internet.

C’est essentiellement le « bouche à oreille » qui fait tourner l’affaire.

 

Nous avons passé trois jours dans la jungle de Bokéo, la journée tantôt pendus sur les câbles, tantôt  escaladant les exigeants sentiers pentus menant aux plateformes d’ « envol », et la nuit perchés dans les arbres…

 

Une belle expérience dans une nature préservée, primitive…

 

Résonne encore dans nos esprits le chant des gibbons*(1)

 

 

*(1) pour en savoir plus sur  les gibbons, lire ci-dessous :

 

 LE GIBBON :

Le gibbon est un primate de la famille des hylobatidés. Il appartient à la famille des grands singes composée des gorilles, des bonobos, des orangs-outans, des chimpanzés et bien sûr des gibbons.

Comme l’humain et les autres grands singes, il fait partie des hominoïdes. On le trouve dans les forêts tropicales d’Asie du Sud-Est : Thaïlande, Cambodge, Vietnam, Chine, Laos, Bangladesh, Birmanie, Inde, Malaisie et Indonésie.

Il existe 17 espèces de gibbons, toutes menacées du fait de la disparition de leur habitat.
Certaines sont endémiques à l’Indonésie :
•   Le gibbon de Muller sur l’île de Bornéo
•   Le gibbon de Kloss sur les îles de l’archipel Mentawai
•   Le gibbon de Moloch sur l’île de Java

SPÉCIFICITÉS :

Le gibbon est un singe arboricole qui se déplace dans les arbres avec une agilité et une rapidité remarquables. Il se nourrit de fruits, de feuilles, de fleurs, parfois d’insectes, d’œufs ou d’oiseaux. Il mesure de 70 cm à un mètre de haut et peut vivre jusqu’à 40 ans. Il ne sait pas nager et on ne le voit quasiment jamais au sol. Il partage son territoire avec d’autres primates comme les orangs- outans et les macaques, qui vivent un peu plus bas dans les arbres.


Le gibbon est monogame et la femelle met au monde un seul petit après 7 mois de gestation (une naissance tous les 2 à 4 ans). Les jeunes sont sevrés vers l’âge de 2 ans et restent avec leurs parents jusqu’à l’âge de 7 ans, avant de partir à la recherche d’un partenaire avec lequel ils resteront toute leur vie.

 

 Le mâle et la femelle partagent la dominance, mais seule la femelle transporte les petits. Chaque couple vit sur un territoire d’une trentaine d’hectares qu’il délimite chaque matin avec un chant bien particulier. Ce chant est l’une des causes de leur disparition : il permet aux braconniers de localiser facilement les animaux. Ils sont chassés pour le commerce illicite de la faune sauvage ou pour la médecine traditionnelle. Ce sont des animaux très territoriaux, capables de s’entretuer pour un territoire.

Le siamang, qui est le plus grand des gibbons, est reconnaissable à ses 2 doigts fusionnés sur chaque main. On le trouve principalement sur l’île de Sumatra. Il a une poche gutturale qui se gonfle lorsqu’il chante.

L’homme est le principal prédateur des gibbons et les forêts tropicales d’Asie sont leurs uniques lieux de vie possible.

Les 17 espèces de gibbons sont protégées par l’annexe 1 de la Convention de Washington, rédigée le 3 mars 1973 et ratifiée par la France le 31 décembre 1992.

Les gibbons sont sur la liste rouge de l’UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature) c'est-à-dire menacés d’extinction à court terme.

Il y aurait plus de 3 000 gibbons détenus illégalement par des particuliers rien que pour Bornéo.

On estime à 100 000 le nombre de gibbons sauvages restant à Bornéo, toutes espèces confondues. Il n’y en aurait plus que 250 000 à l’état sauvage dans toute l’Asie du Sud-Est.

Le gibbon de Hainan est le plus menacé. En 2011, il resterait 22 de ces animaux à l’état naturel.
Il resterait environ 20 000 gibbons de Kloss sur les îles Mentawai, situées au large de Sumatra.



24/01/2013
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